Je jouissais du temps le plus heureux de ma vie ; le bonheur d’être instruit par M. de Voltaire mettait le comble à ma félicité ; il me fit un envieux, un faquin que nous avions banni de notre société pour des raisons très importantes, faquin que je nommerais s’il vivait encore et s’il n’avait payé de la vie en Hollande son impudence et sa fatuité, eut l’indignité de communiquer à M. de Voltaire cette critique de Nanine en question : il mesurait l’âme de ce grand homme sur la sienne, et s’était imaginé qu’un égarement de jeunesse, une rhapsodie d’enfant allait déconcerter son amour-propre : il arriva tout le contraire. […] Je vous déclare donc que bien loin de croire que le bien public m’autorise à critiquer les ouvrages de M. de Voltaire, je le regarderai toute ma vie comme un maître éclairé à qui je dois le peu de talents qu’on a la bonté de reconnaître en moi ; que je le regarde comme un ami dont le cœur est fermé à tout ce qui pourrait altérer ses sentiments en faveur de ceux qui s’y sont donné place, comme un protecteur moins attentif à ses intérêts qu’à ceux des personnes qu’il protège comme un père, aux soins et à la tendresse de qui j’ai l’obligation de n’être plus dans les chaînes de la finance, et à qui je dois l’avantage de pouvoir vivre avec l’aisance que les talents procurent à ceux qui les exercent ; quand je serais devenu sage, et que quand bien même je verrais malheureusement assez clair pour trouver quelque faute capable d’altérer tant soit peu le plaisir ou plutôt le ravissement que j’éprouve quand je lis ou que je vois représenter ses ouvrages, je ne m’en imposerais pas moins la loi de les défendre envers et contre tous.
parler le langage du vice, en prendre les allures, en peindre les horreurs, en excuser les excès, en inspirer le goût, en faire sentir les mouvements, en ouvrir l'école, en donner des leçons, l'ériger en vertu, tromper, aveugler les hommes, fixer leur attention sur des objets méprisables et criminels, effacer les idées des biens et des maux éternels, pour ne mettre le bonheur ou le malheur que dans le succès ou les obstacles de la passion, s'en faire un art, un métier, un état de vie, y consacrer tous ses talents, ses moments, ses forces, sa santé ! […] Si l'on veut en voir des fruits plus durables, qu'on consulte les Lieutenants de Police, les pères de famille, les habiles Chirurgiens, les Sages-femmes, qu'on fouille les registres des Enfants trouvés, de la Salpêtrière, des maisons de Refuge, on verra si depuis l'établissement du théâtre et dans les villes où il est le plus florissant, les mœurs sont plus pures, la jeunesse plus sage, les femmes de mauvaise vie en plus petit nombre, les sacrements plus fréquentés. […] François de Sales emploie cette comparaison : C'est encore le goût d'un Danseur de corde qui s'amuse à regarder l'abîme sur lequel il est suspendu ; qui voudrait être son apologiste et garantir sa vie ?
Il est donc essentiel de savoir supporter l'ennui, comme tous les autres dégoûts de la vie. […] Phèdre, Bérénice, et la vie dévote ! […] La mauvaise vie et la manière de débiter rendent inefficace la parole divine dans la bouche d'un Prédicateur.
Où, si le dogme des peines d’une autre vie , n’est pas combattu, on se fait un jeu des foudres du Ciel & des feux de l’enfer. […] ) à craindre ceux qui peuvent tuer nos ames, & non ceux qui ne peuvent que nous ôter la vie du corps . […] Satellites politiques, on vous craint, & vous êtes moins pour menacer nos vies, que pour nous ménager nos bourses ! […] retrancher l’amitié de la vie, c’est ôter la lumière du monde. […] & chaque instant de leur vie sera-t-il marqué par un forfait ?