plût au Ciel que les barbares ennemis du plus beau des arts, eussent la piété de Polyeucte, la clémence d’Auguste, la vertu de Burrhus, et qu’ils finissent comme le mari d’Alzire ! Je regarde la Tragédie et la Comédie comme des leçons de vertu, de raison et de bienséance. […] La véritable Tragédie est l’école de la vertu ; et la seule différence qui soit entre les Théâtres épurés et les livres de morale, c’est que l’instruction se trouve dans la Tragédie toute en action, c’est qu’elle y est intéressante, et qu’elle se montre relevée des charmes d’un art qui ne fut inventé autrefois que pour instruire la Terre et pour bénir le Ciel, et qui par cette raison fut appelé le langage des Dieux.

Platon définit que la vertu peut prendre une forme visible ; la représentation en donne un à la vertu & au vice, les idées abstraites y prennent un corps, le contraste du caractere prête des forces à la morale ; nous sommes conduits à la vertu par elle-même. […] Le vice est aussi souvent & plus souvent représenté que la vertu. […] Inclination, penchant, habitude, objets, mode, maximes du monde, la vertu a mille obstacles à vaincre. […] Qui ose y arborer la vertu, qui ne s’y fait honneur du vice ? […] Quoi de plus beau que les vertus !

Mais quelle que fût cette autorité, les Anciens n’ont rien fait paraître en sa faveur qui pût nuire à la vertu des gens de bien. […] La vertu même de ces Amants fidèles sert à corrompre davantage les espritsi. […] Les Coquettes blâmeront peut-être la conduite de notre Tragédie, mais les femmes qui ont de la probité et de la vertu seront pour nous. Elles seront bien aises de goûter un plaisir si agréable sans blesser la délicatesse de leur vertu. […] Cette vertu semblerait tenir du miracle, et rien n’est moins supportable qu’un miracle dans une Tragédiead.

Tout cela est inconnu à l’Auteur : il ne connoît que la nature & les vertus morales, un bonheur ou un malheur temporel du vice & de la vertu. […] La partie morale, ces tableaux des vertus & des vices ne sont qu’un Evangile déguisé par un langage qu’il se fait, & qui ne laisse voir que la nature. […] La Religion, la vertu, la sagesse, la décence le mettroient dans un plus beau jour. […] Après avoir satyrisé les défauts & les vertus des autres, il publie aussi-tôt la part qu’il y a eu. […] Cette place n’est qu’un foible garant de la vérité & de la vertu.