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141. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

L'Auteur de la nouvelle Héloïse conclut son roman singulier par cette pensée très vraie pour quiconque mérite d'en sentir la vérité. « Je ne saurais concevoir quel plaisir on peut prendre à imaginer, à composer, à jouer le personnage d'un scélérat, à se mettre à sa place, et à lui prêter l'éclat le plus imposant. […] Le Mercure et les affiches, parmi cent folies théâtrales qu'ils ont l'exactitude de ramasser, et dont ils ont la bonté de régaler périodiquement la France, ont rapporté avec enthousiasme, comme un événement très important à l'Etat, qu’on avait peint la Clairon, seule à la vérité et sans amants, car pour les mettre tous il eût fallu un tableau comme ceux des batailles d'Alexandre ; que pour répandre un portrait si précieux, on l'avait fait graver par les plus grands maîtres ; et que partout les estampes étaient enlevées. […] Toutes les hérésies ont usé de cet artifice, pour s'insinuer dans l'esprit des simples ; elles ont arboré un air de réforme, débité une morale sévère, voilé les erreurs de quelques vérités, enveloppé d'un air de sagesse des principes pernicieux. […] Quelque vérité dans la bouche couvre son jeu théâtral, comme dans celle de Tartuffe elle donne le change à la femme qu'il veut séduire. […] Au lieu de la nourriture de la vérité, et de la vertu même humaine, on ne se repaît que de chimères, de frivolité, de fables, de passions, de volupté.

142. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Les livres sacrés où les lois et les dogmes sont également expliqués, y sont multipliés à l'infini : on y trouve la légende de tant de Héros dont on chante les exploits, et dont la vérité est au-dessus des ombrages de la critique. […] Vainement faisons-nous pour elle les frais d'une dissertation ; mais nous donnons un moment à quelques apologistes du théâtre qui font semblant de ne pas croire ces vérités, je dis semblant, car dans le fond personne n'en doute. […] Leurs plaisirs sont peut-être moins vifs et moins séduisants, leur matière n'est pas si généralement mortelle, quoique dans la vérité tout soit relatif, que le vin pour un ivrogne, l'argent pour un avare, des cartes pour un joueur, des honneurs pour un ambitieux, soient d'aussi impérieux tyrans qu'une femme pour un impudique. […] Est-il permis de goûter des sentiments de vanité, d'envie, de vengeance, de haine, de révolte, d'impiété, de se jouer de la vérité, de la vertu, de l'offense de Dieu et de la transgression de ses lois ? […] Bernard revient au même livre le mois suivant, prouve la vérité du portrait par des exemples.

143. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

Lui à qui la vérité incarnée a dit : « Heureux ceux qui pleurent, malheur à ceux qui rient ; le monde sera dans la joie, et mes disciples dans la tristesse. […] Tout est, à la vérité, spectacle sur la terre, affaires d'Etat, abaissement, élévation des hommes ; tout y est comédie, ridicules, intrigues, fourberies, galanteries. […] Voyez ce respectable Magistrat, supérieur à tous les intérêts et à toutes les passions, inébranlable au milieu des agitations des parties, du tumulte du barreau, des secousses de la sollicitation, il ne voit que la vérité, il n'agit que pour la justice : « Si fractus illabatur orbis, impavidam ferient ruinæ. […] On est si accoutumé à n'y entendre que des mensonges, qu'on n'imagine pas y trouver une vérité : du solide dans le pays des fables ! […] Dans les pièces les plus épurées, ces prétendus Prédicateurs de théâtre composent et débitent des préceptes à leur mode et des sentences à leur goût, ajoutent, retranchent, changent, adoucissent à leur gré la doctrine chrétienne, et la donnent pour la pure vérité, avec une assurance qui étonne.

144. (1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « A la signore Isabelle » pp. 25-

Ainsi en ces vives couleurs vous faites briller l’éclat, le pourpre étincelant, et l’émail des vôtres, et entre mille belles fictions sentez un aise véritable de dire la vérité, qui citoyenne du ciel ne permet qu’aux Déesses la jouissance de sa conversation : Le souvenir du bonheur de la vôtre me tire ces paroles du cœur, Que je suis ravie en l’admiration des perfections, qui vous ont aussi dignement acquis mon esprit, que l’affection dont je vous veux honorer et servir, et ne me laisser non plus égaler en ce désir, que vous aux vertus qui vous élèvent au trône de la gloire, que je loue par mon silence, puisqu’il faut que le pauvre Aristée se taise lorsque le grand Apollon commence à chanter.

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