Préface C’EST une erreur qui a infecté beaucoup d’esprits, qu’il était presque impossible d’accommoder heureusement au Théâtre les Sujets qui sont tirés de l’Ecriture Sainte, et de l’Histoire Chrétienne. […] Mais ce qui leur paraît de plus rebutant et de plus épineux, c’est que pour donner à ces ouvrages les ornements qu’ils demandent, il faut se remplir des grandes vérités de la Religion, et tirer de l’Ecriture sainte ces riches expressions que nous fournit la divine Poésie du Psalmiste et des Prophètes, et qui sont fort au-dessus de tout ce que l’ingénieuse et savante Antiquité a de plus grand et de plus magnifique.
Des Pièces tirées de l’Ecriture sainte. […] Charles Borromée fit tous ses efforts pour abolir le théâtre à Milan ; mais n’ayant pu réussir, il obtint du moins qu’on n’y représenterait jamais des pièces tirées de l’Ecriture. […] 307.), appelle pieux et savant Jésuite, Mariana, qui a écrit aussi contre la comédie, croit que c’est un moindre mal de laisser représenter aux Comédiens des pièces profanes et galantes, que des pièces tirées des livres saints. […] Aussi a-t-on vu peu de pièces tirées de l’Ecriture, qui aient réussi. » Athalie est peut-être la seule, encore même tomba-t-elle dans le commencement. […] 1.) que deux Auteurs tragiques ayant voulu adapter à leurs pièces quelque sujet tiré de l’Ecriture sainte, ils en furent punis sur le champ : Théodecte perdit la vue, et Théopompe devint fou.
On y verra que l’enjoument & la fine plaisanterie accompagnent l’éxcellent Vaudeville ; & que le refrein de chaque couplet doit être amené avec un art infini, & tiré du sujet même. Il est encore nécessaire que le refrein du Vaudeville contienne en substance toute la morale qu’on peut tirer de la Pièce ; ce refrein doit être si bien choisi, qu’il devienne proverbe ou l’ait toujours été. […] Quel parti la Scène enjouée ne tirerait-elle pas du Vaudeville ! […] Il est bon de rendre l’Ariette agréable, mais il faut craindre de tomber dans l’affectation : & puis, quel parti la musique peut-elle tirer de pensées si délicates ? […] Celui-ci même ne réussit jamais si bien, que lorsque l’Auteur s’en est tiré avec habileté.
Les hommes et les femmes y traitent l’amour avec une retenue et avec une modestie qui sont dignes d’admiration, surtout lorsqu’on les compare à la licence qui règne ordinairement sur le Théâtre ; et, quoique ce soient des personnes du plus haut rang qui nous y donnent des leçons d’une si belle conduite et d’une si rare modération, ce n’est pas seulement pour les Princesses et pour les Seigneurs que cette Pièce est instructive ; les personnes de la plus basse naissance en peuvent tirer les mêmes avantages. […] Racine connaissait trop bien l’antiquité ; il avait trop lu Sophocle et Euripide, pour tirer vanité (comme a fait Corneille) d’avoir su se passer de l’amour dans sa Thébaïde : mais il s’en serait passé sans doute, s’il l’eût osé, dans toutes ses autres Tragédies, comme dans sa première. […] J’ai pensé en conséquence qu’on en pouvait tirer une grande instruction ; ce qui m’a déterminé à l’adopter et à la ranger sous la classes des Tragédies que l’on peut conserver. […] Les Grecs ne pensaient pas comme nous, en fait de Théâtre ; l’horrible d’une action tragique ne les révoltait point ; et, si la représentation ne leur procurait pas un certain plaisir, l’instruction qu’ils en tiraient les en dédommageait et leur tenait lieu de tout. […] Enfin la Tragédie d’Atrée et de Thyeste est remplie de beautés ; et l’imagination du Poète a tiré partie de certaines choses qu’on n’aurait jamais cru pouvoir paraître avec agrément sur la Scène.