On peut tirer auantage, n’en doutez pas, de certains defaux bien ménagez ; Et pourueu qu’il y ait fondement de beauté en quelque sujet, la crasse, les haillons, la tristesse, l’indifference, les froideurs mesmes & les desdains donnent de l’amour. […] Le troisiesme Acte estant à la fin venu, où Cynthio vouloit continüer de discourir de la nature des passions ; & s’estant tiré le mieux qu’il auoit pû d’vn point de Morale, s’alloit jetter à corps perdu dans vne question de Physique, la patience échapa tout d’vn coup au bon Senateur. […] Les Sentences & les Apophtegmes sont des fruits recueillis du long âge, & des conclusions tirées de l’experience.
Car quelle impudence d’appliquer les Oracles Diuins de la Saincte Escriture à la deffẽce des vices, puisque son intention est de nous en faire conceuoir l’horreur, & de nous porter à l’amour de la perfection Euangelique ; & que si elle a des lieux & des passages qui semblent en quelque façon s’accorder à leurs sentiments, on ne les y a pas couchés en faueur des spectacles, & des Chrestiens qui y assistent : mais au contraire pour nous donner dans leur sens mysterieux la connoissance des fruits que nous en pouuõs tirer, & pour nous animer à l’amour des bonnes choses, puisque les Payens mesmes s’échauffent si fort après des sottises, dont ils ne peuuẽt esperer de gloire, & qui ne leur sçauroient produire que de la peine. […] Ainsi vn hõme qui est souple de tous ses mẽbres quoy qu’il ait le corps affoibly de débauches ; vn hõme qui ne merite pas le nom de fẽme pour ses dissolutiõs ; bref vn ie ne sçay qui, vn voluptueux, vn mõstre en nos iours qui n’est ny hõme ny femme, a biẽ le pouuoir de ietter le desordre dans vne ville, & de donner par ses bouffõneries vn credit absolu aux salles plaisirs & aux fables du temps passé, qu’il fait reuiure dans la scene : C’est de céte façon que nôtre nature defectueuse nous porte à l’amour des choses illicites ; & que les hommes pour authoriser leurs vices recherchent les memoires des anciens afin d’en tirer quelques mauuaises actions qui ont esté la proye de plusieurs siecles, & que l’aage deuroit auoir estouffées, ces squelettes qui sont fraischement sorties de la poussiere & du tombeau, paraissent sur le theatre ; & comme si les voluptez n’auoient pas assez d’empire d’elles mesmes, on expose aux Spectateurs ces exemples de l’impudicité de nos ancestres, pour leur en donner dauantage. […] C’est-là qu’il verra Dieu qui crea le monde d’vn rien, qui donne l’estre à ce qui n’en auoit point, & qui destine vne infinité d’animaux à l’vsage de l’homme, qu’il tire aussi du neãt pour en faire vn chef-d’œuure accomply.
Mais un Drame aussi singulier en tout, où le merveilleux est souvent mis en usage ; une sorte de Pièce aussi bisare, dis-je, peut mépriser l’Unité de lieu, sans que cela tire à conséquence, ainsi que je le prouverai ailleurs. […] En un mot, les événemens d’un Poème bien fait, & les passions qu’on y fait naître doivent tous tirer leur source de ce qui s’est passé au prémier Acte, & de l’action principale, qui ne peut être une, qu’autant que les incidens & même les paroles des personnages, se rapportent entiérement à elle. […] La règle de l’Unité de personne est tirée de la connaissance du cœur humain.
Mais enfin, soit qu’on l’ait étendu à celle qui se faisoit dans ces Chasses de joye & de magnificence, soit qu’on l’ait tiré du carnage qui se faisoit, pour distribuer au Peuple la viande qui luy estoit destinée, ce mot est devenu commun à ces deux fortes de solemnitez. […] Pour lors ils estoient veritablement tenus de se batre & de s’exposer à la rage de ces animaux en faveur du Peuple & des Spectateurs ; mais ils avoient la liberté de se deffendre, & d’user de leur vertu & de leur adresse pour se tirer du peril & pour éviter la mort. […] L’une consistoit en une bravoure étourdie, qui se faisoit, un plaisir du peril ; & l’autre estoit un simple amusement d’adresse & de dexterité, à tirer l’Arc de bonne grace, & à se rendre sûr de son coup.