Les Grecs, plus attentifs que les modernes aux effets que la musique devoit produire sur le Théâtre, n’usoient point de celle qu’on appelle à plusieurs parties. […] Le Théâtre est le spectacle de tous les sens. […] Selon ce savant critique « le Théâtre perd à la suppression des chœurs, la continuité d’action, & un spectacle magnifique, qui sert à la soutenir, & qui est, pour ainsi dire, le fond ou l’acompagnement du tableau ». […] C’est donc l’ordre universel qui prescrit certe division, dans celles qu’on met sur le Théâtre, parce que celui-ci imitant la verité, ne le peut qu’à l’aide de la vraisemblance. […] Bannissez tant d’abus du Théâtre ; bannissez-en ces danses mesquines, qui ne peuvent avoir de mérite que sur des Théâtres inférieurs.
Le Public n’est jamais leur dupe : l’impression met enfin au grand jour les fautes que l’art de l’Acteur dérobait à la vue ; & l’on soutient à peine la lecture d’une Pièce qu’on ne pouvait se lasser d’entendre au Théâtre. […] S’il est nécessaire que la nature règne dans les ouvrages de Théâtre, il faut qu’elle paraisse aussi dans les gestes & dans tout ce que fait l’Acteur. […] Les Acteurs du nouveau Théâtre détruisent aussi l’illusion. […] Les Poètes du nouveau Théâtre sont trop minutieux à marquer le jeu de l’Acteur. Au moins j’avertis que je n’entens parler ici affermativement que du nouveau Théâtre.
On appelle spectacles des divertissements publics, tels que sont les Comédies, les Opéra, et les autres représentations qui se font sur les Théâtres. […] Met-on au rang des spectacles défendus toutes les représentations qui se font sur les Théâtres ? […] Dans ces paroles le monde, et le Théâtre qui en est l'image sont également réprouvés. […] Il est vrai que le Théâtre ôte aux passions, et surtout à l'amour ce qu'elles ont de plus grossier, et de plus opposé à la bienséance ; mais il est vrai aussi qu'une passion couverte d'un voile d'honnêteté est plus dangereuse. […] L'esprit des Lois a toujours été contraire au Théâtre.
Du théâtre, aujourd’hui, les douces impostures N’en font aux spectateurs que de sages peintures ; Par l’austère devoir le crime est combattu ; Et l’on y voit toujours triompher la vertu. […] Tu voulus dans les vers d’Esther et d’Athalie, Donner un nouveau lustre à la Scène avilie ; Et par toi, dans saint Cyr, le théâtre ennobli Offre du vrai sublime un modèle accompli. […] Mais je le vois tomber ce dangereux théâtre, Qu’anima si longtemps un génie idolâtre. […] [NDE] : Le père François Caffaro, « Théatin », auteur de la « Lettre d’un théologien, illustre par sa qualité et son mérite, consulté par l’auteur pour savoir si la Comédie peut être permise, ou doit être absolument défendu » (dans Pièces de théâtre de Boursault, Paris : Jean Guignard, 1694, p. 1-75.) […] [NDE] : La prise de position du père Caffaro en faveur du théâtre a fait réagir Bossuet lui-même qui, après une lettre cinglante à l’intéressé, fait paraître ses Maximes et réflexions sur la Comédie (Paris, Jean Anisson, 1694).