SELON l’Abbé Prevot, Manuel lexique, suplement ; le mot persister, d’où sont venus persiffleur & persiflage, sont de termes nouveaux que nous avons vû naître, qui se sont accredités tout d’un coup à Paris, & delà dans tout le Royaume : ce mot est énergique & commode. Persifler est l’art ou l’action de railler agréablement quelqu’un, sans qu’il s’en apperçoive, par des idées, des raisonnemens, des termes, des figures, des gestes, des tons qu’il n’entend pas, qu’il prend dans un autre sens, ou qu’il attribue à quelqu’autre. […] L’idiome se forme la-dessus, un Avocat est un grand acteur, un champ de bataille est un théatre, le Conseil d’Etat une scéne, le Prédicateur un Corneille ou un Racine, & on croit l’avoir bien loué, &c. ces mots sont devenus des termes Techniques, tous les Etats se forment de même leurs Ergots. […] Je dis plus, qu’on s’en rapporte au théatre même, qui prétend ne faire que jouer, representer ce qui se passe dans la société, & l’on aura du sexe français des idées plus justes, qu’avantageuses : le mariage, dit-on, est le terme de tous les désirs. […] Voltaire qui fait tout, ignore-t-il l’explication de ce terme ?
Nous n’entendons par ce terme, qu’un lieu élevé, où l’Acteur paraît, & où se passe l’action : au lieu que les Anciens y comprenaient toute l’enceinte du lieu commun aux Acteurs & aux Spectateurs. […] Cette façade avait à ses extrémités, deux petites aîles en retour, qui terminaient cette partie ; de l’une à l’autre de ces aîles s’étendait une grande toile, à-peu-près semblable à celle de nos Théâtres, & destinée au même usage, mais dont le mouvement était différent ; car au lieu que la nôtre se lève au commencement de la Pièce, & s’abaisse à la fin de la Représentation, parce qu’elle se plie sur le ceintre, celle des Anciens s’abaissait pour ouvrir la Scène, & se levait dans les Entr’actes, pour préparer le Spectacle suivant, parce qu’elle se pliait sur le Théâtre ; de manière que lever & baisser la toile, signifiaient précisément le contraire de ce que nous entendons aujourd’hui par ces termes.
Je ne parle pourtant ici que des termes qui font le sujet de mon indignation contre nos Auteurs : car pour ce qui est des choses, je n’ai garde de les garantir sans restriction dans Térence. […] Il n’y a point chez lui de cajoleries ; si ce n’est dans son Hercules furens : et là même, Lycus dit peu de choses et en termes honnêtes à Mégare. […] Aussi, décline-t-il, pour user de ses termes, la juridiction de l’amour dont il blâme hautement les intrigues. […] Bacchus demande à Hercule le plus court chemin des Enfers : celui-ci répond à l’autre ; qu’il se pende ou qu’il s’empoisonne, et qu’il sera bientôt rendu au terme. […] Le Couronnement est un autre Poème de lui, dont le Prologue est conçu en ces termes : « Il n’y a point ici de ces équivoques dont on sème quelquefois la Scène pour donner un divertissement grossier : le langage y est semblable à l’onde pure d’une claire fontaine.
Toute cette vie n’est qu’une suite de péchés, à quel terme fatal doit-elle conduire ? […] Ce livre poussé jusqu’à huit volumes est écrit assez décemment, c’est-à-dire, que cette Dame qui a de l’esprit, de la politesse, beaucoup d’usage du monde, a évité les termes grossiers & les images obscènes ; quelle femme bien élevée en fait usage ? […] Hébreu, Grec, Latin, Allemand, on ne voit rien de si ridicule dans aucune langue ; on ne le connoît qu’en France, soit qu’on y croye les complimens sans conséquence, & un verbiage frivole qui semble tout dire, & ne dit rien comme ils le font en effet sur-tout en galanterie, soit que l’entousiasme pour les femmes y soit porté à l’excès & à une sorte d’adoration ; l’usage a consacré ces termes, ils sont devenus de style ; c’est le protocole de Cithère, platitude puérile, plus basse que respectueuse de se mettre à genoux devant les femmes, qui ne convient qu’envers Dieu & à un criminel qui demande grâce : cette attitude a un autre principe, c’est pour les contempler à son aise, & être à portée de prendre avec elle des licences ; les femmes sont communément assises, il faut se baisser pour les mieux voir, prendre & recevoir avec plus de facilité des libertés indécentes dont elles peuvent moins se débarrasser. […] Garassi, fameux Jésuite, étoit certainement habile homme, homme d’esprit, homme de bien, mais malheureusement d’un caractère bouffon ; son style qui s’en ressentoit, ne respectoit pas toujours les loix austères de la décence, il nous paroit même aujourd’hui plus indécent qu’il n’étoit alors, parce que le langage est devenu plus poli, il donna prise dans divers ouvrages, on lui fit bien des reproches, & on n’avoit pas tort ; le détail nous en estétranger, une accusation qui intéresse le théatre, c’est la prophanation des noms qui n’appartiennent qu’à Dieu, Divinité, Déesse adorable, autel, temple, sacrifice, &c. on les applique aux créatures & aux Dieux du Paganisme ; je suis bien éloigné d’approuver cet abus idolatrique des termes ; j’en ai parlé ailleurs, mais je ne comprends pas que ceux qui ont blâmé en lui cette licence ne se soient pas dit médecins, guérissez-vous vous-même, vous êtes aussi malade que le P.