Suivant ce principe on croira que je vais rejeter tout le Théâtre comique de nos jours ; je serais assez porté à prendre ce parti : cependant je veux examiner si parmi les Pièces qui subsistent il y en a quelques-unes qui méritent d’être conservées, et si, dans la corruption générale du Théâtre, on peut trouver quelque Comédie où la passion d’amour soit traitée d’une manière instructive comme je viens de le proposer.
Pour la ménager cette pudeur, il faut donc absolument suivant votre système ne plus faire paraître au Théâtre que des prostituées : est-ce ainsi que vous justifiez la délicatesse du goût de vos pudiques Anciens ? […] Suivant l’usage de l’Arcadie, Mme de Tagliazucchi est métamorphosée dans ce recueil en Bergère sous le nom d’Oriana Ecalidea, la différence de genre et de style que vous trouverez dans la Poésie de son mari sous le nom d’Alidauro Pentalide ne vous laissera pas soupçonner qu’il ait mis la main aux ouvrages de son épouse, qui d’ailleurs s’était déjà fait connaître avant que M. […] « Le Sexe faible, hors d’état de prendre notre manière de vivre, trop pénible pour lui, nous force de prendre la sienne trop molle pour nous, et ne voulant plus souffrir de séparation, faute de pouvoir se rendre hommes, les femmes nous rendent femmes. »em Voilà donc ces hommes qu’il faut craindre d’avilir : ils n’ont pas la force d’être hommes, et vous voulez qu’on les ménage ; vous trouvez mauvais qu’on leur fasse parler raison par des femmes parce que selon vous les femmes n’ont pas de raison ; mais suivant l’idée que vous nous donnez des hommes, ils ne sont pas plus raisonnables que les femmes ; et pour s’assujettir à la vraisemblance rigoureuse que vous exigez, on ne se permettra plus de mettre en scène que des fous pour ne pas donner mal à propos de la raison aux hommes, puisqu’ils n’ont pas la force de résister au sexe le plus faible, et de s’empêcher de devenir femmes. […] , p. 160 : « La blanche colombe va suivant pas à pas son bien-aimé, et prend chasse elle-même aussitôt qu’il se retourne.
Le Journal suivant nous apprend que le 30 avril 1774 on ouvrit le spectacle à Varsovie, non par quelque pièce grave, sérieuse, analogue à l’état présent de la république, mais par un opéra bouffon Italien, suivi d’un ballet, il y eut un grand concours ; c’étoit en effet quelque chose de si peu croyable qu’un opéra bouffon insultant à la misère publique que tout le monde courut le voir ; on en fut indigné, le lendemain la salle fut vide. […] Ce même Journal (juillet) suivant les progrès du théatre à Varsovie, dit en gémissant : On a promulgué une loi qui défend aux Entrepreneurs du spectacle, bal, jeu, &c. de s’établir ailleurs que dans le palais du Prince Salkonski, Palatin de Gnesne & Membre de la délégation, lequel pour cet effet leur affermera à son profit les appartemens dont ils auront besoin. […] Par les lettres patentes données à Compiegne le 30 juillet 1773, le Roi ordonne qu’il soit incessamment construit à Paris sur la partie du terrein de l’Hôtel de Condé & des maisons qui y sont contiguës, comprise entre les rues de Condé, celle des fossés de M. le Prince, & le carrefour où elles se réunissent, une nouvelle Salle pour y établir le théatre de la Comédie Françoise avec les bâtimens accessoires, ordonne que l’Hôtel, les maisons, bâtimens & terrein compris dans ledit emplacement, ainsi que celles dont la démolition sera nécessaire pour l’ouverture d’une nouvelle rue, & l’agrandissement de plusieurs suivant le plan agréé par sa Majesté, seront acquises en son nom par des Commissaires nommés à cet effet aux prix qui seront convenus de gré à gré entre les Commissaires & les Propriétaires ; sinon réglé par le Maître général des bâtimens de la Ville, & l’Architecte ou Experts nommé par les Propriétaires ; & en cas de division par un tiers arbitre choisi de concert entre eux deux, autorise les Commissaires à faire, sur la totalité du terrein & des lieux désignés, un don & cession à titre gratuit au Prévôt des Marchands & Échevins de la Ville de Paris, de la portion & étendue nécessaire pour construire & élever la nouvelle salle de la comédie Françoise & autres bâtimens accessoires, ainsi que pour fermer les rues, places & rétranchemens qui entrent dans le plan qu’elle a approuvé, se réservant Sa Majesté en vertu des présentes lettres, de disposer du surplus par revente, échange ou autrement ; pour mettre le Prévôt des Marchands & Échevins en état de subvenir aux dépenses de cette grande construction, elle permet d’emprunter par contrat de constitution sur le domaine de la ville de Paris jusqu’à la concurrence de quinze cents mille livres dans l’espace de quatre ans, à raison de quatre cents mille livres par chacune des trois premières années, & trois cents mille livres pour la quatrième, & d’y affecter & hypothéquer les revenus, droits & biens patrimoniaux de la ville de Paris. […] Des Comédiens avant que de quitter la ville de Gap, offrirent de revenir l’année suivante, pourvu qu’on leur assura trois mille livres : des amateurs proposèrent une souscription pour former cette somme. […] Cet établissement consiste à former un mont de piété pour entretenir un grenier d’abondance d’où l’on distribueroit aux pauvres, selon l’avis des Curés pour être rendu l’année suivante dans la saison, avec un petit profit pour l’entretien du fonds, & sans profit pour ceux qui seroient hors d’état de rien payer ; cela vaudroit bien la comédie, de l’aveu même de ses plus grands amateurs qui aimèrent mieux s’en passer pour faire des bonnes œuvres.
Les caractéres & le jeu doivent conséquemment varier suivant l’ordonnance du dessein, & le génie de la distribution ; selon même l’esprit de chaque rolle combien n’y a-t-il pas de nuances différentes à garder, & qui sont d’autant plus difficiles à saisir, que le genre est naïf & peu maniéré : on est tantôt ouvert & décidé, tantôt intérieur & simulé : dans un cas élégant & poli ; dans l’autre brusque & tranchant : ici imposant & philosophe, là saillant & décousu : quelquefois pompeux & relevé ; souvent humble & modeste. […] La besogne seroit vraiment moins épineuse & moins délicate, en se réduisant servilement suivant l’idée d’un Apologiste* moderne du Théâtre, au tableau chetif & mesquin de simples Copistes, qui n’ont besoin pour rendre leurs rolles que d’une émotion superficielle . […] On peut les varier suivant ses connoissances & même suivant son goût : avec du tems & de la réflexion l’on y parvient. […] Chacun suivant son penchant se trouvera asservi, pressé : mais est-ce bien alors pour eux une récréation, un plaisir ? […] Les pratiques qu’elle prescrit, peuvent être plus ou moins étroites, plus ou moins scrupuleuses suivant les circonstances ; mais s’il est des momens où l’on puisse se mettre un peu à l’aise, ce ne doit jamais être absolument aux dépens de l’esprit de sagesse & de régularité qui caractérise la vertu : or, est-ce dans ces Cotteries où la liberté, souvent la licence, quelquefois la crapule président, que non pas les maximes & les régles, mais seulement la réserve & la circonspection ont lieu.