Il est certain que les hommes en général ne sont pas autant émus par l’action Théâtrale, qu’ils ne sont pas aussi livrés au Spectacle durant la Représentation des Comédies, que durant celle des Tragédies.
On n’oseroit paroitre dans le monde, si on n’est coëffé en Comédien ; aussi les Baigneurs & les Coëffeuses vont assidument au spectacle, & par libertinage, & par intérêt, pour prendre des leçons de leurs bonnes amies, car personne ne porte plus loin la finesse de l’art, & les coups de maître. […] C’est le revenant bon de leur chaste métier ; on a partagé cette tête creuse, on en a conservé le derriere, en le perfectionnant ; ce n’est plus qu’une calote ; elle avoit autrefois des cheveux empruntés, soit en peinture, ou en plâtre, ou réellement attachés, ce qui faisoit des chevelures blondes, noires, bouclées, frisées au gré de l’acteur, aussi-bien que les sourcils & la barbe, selon son goût ; on a conservé le derriere qu’on a rendu plus commode par des perruques à reseau, qu’on porte par-tout, aulieu que les anciens masques ne pouvoient servir que sur le théatre ; ils auroient été aussi incommodes que ridicules, par ce moyen, à peu de frais, & sans embarras, le vieillard rajeunit, la laide s’embellit, l’abbé, le magistrat se déguisent, la femme se travestit en homme, & l’homme en femme, on prend comme sur le théatre, les attributs du rôle qu’on veut jouer, & ce qui est très-commode, la moitié de la toilette se fait chez le baigneur, d’où l’on porte une très-belle tête toute faite, qu’on adapte au visage qu’on vient de fabriquer, ainsi se continue la comédie ; car la vie d’un joli homme, d’une jolie femme, n’est dans l’exacte vérité, qu’une comédie perpétuelle, où l’on joue les mœurs, la Réligion & le bon sens ; ces masques mobiles de la tête, font quelquefois sur le théatre & dans les piéces, les plus ridicules, le spectacle le plus comique, César qui étoit chauve, ne trouva d’autre coëffure pour cacher ce défaut, qu’une couronne de laurier.
Le même Auteur dit encore : « La voix, le ton, le geste, l’action, voilà ce qui appartient à l’Acteur ; & c’est ce qui frappe dans le spectacle des grandes passions.
Ce que vous dites ci-dessus pour prouver que le spectacle ne peut porter le goût de la Vertu dans nos cœurs se trouve anéanti maintenant ; écoutez-vous vous-même. […] La Reine à ce spectacle oubliant nos malheurs, Peut-être arrêtera la source de ses pleurs.