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29. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 5. SIECLE. » pp. 147-179

puis qu'on est d'autant plus touché de ces aventures poétiques, que l'on est moins guéri de ses passions, quoi que d'ailleurs on appelle misère le mal que l'on souffre en sa personne ; et miséricorde, la compassion qu'on on a des malheurs des autres: Mais quelle compassion peut-on-avoir en des choses feintes, et représentées sur un Théâtre, puisque l'on n'y excite pas l'auditeur à secourir les faibles et les opprimés, mais que l'on le convie seulement à s'affliger de leur infortune ; de sorte qu'il est d'autant plus satisfait des Acteurs, qu'ils l'ont plus touché de regret et d'affliction ; et que si ces sujets tragiques, et ces malheurs véritables ou supposés, sont représentés avec si peu de grâce et d'industrie, qu'il ne s'en afflige pas, il sort tout dégoûté et tout irrité contre les Comédiens. […] Elles vont fondre dans un torrent de poix bouillante, d'où sortent les violentes ardeurs de ces noires, et de ces sales voluptés : Et c'est en ces actions vicieuses que cet amour se convertit et se change par son propre mouvement, lorsqu'il s'écarte et s'éloigne de la pureté céleste du vrai amour. […] Voilà d'où procédait cet amour que j'avais pour les douleurs, lequel toutefois n'était pas tel que j'eusse désiré qu'elles eussent passé plus avant dans mon cœur et dans mon âme : car je n'eusse pas aimé à souffrir les choses que j'aimais à regarder ; mais j'étais bien aise que le récit et la représentation qui s'en faisait devant moi, m'égratignât un peu la peau, pour le dire ainsi ; quoi qu'en suite ; comme il arrive à ceux qui se grattent avec les ongles ; cette satisfaction passagère me causât une enfleure pleine d'inflammation d'où sortait du sang corrompu et de la boue. […] Se voyant dans le sein de l'Eglise, elles considèrent avec une extrême reconnaissance l'affection que Dieu leur a déjà donnée pour la parole, pour les offices et les œuvres de charité, pour être souvent dans l'assemblée des Fidèles, et ne sortir quasi point de l'Eglise. […] Comment faut-il donc, mes frères, que nous traitions ces personnes qui sortent ainsi du dérèglement, et qui renoncent aux plaisirs du siècle ?

30. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « IV. S’il est vrai que la représentation des passions agréables ne les excite que par accident.  » pp. 10-18

Dites encore, que les discours, qui tendent directement à allumer de telles flammes, qui excitent la jeunesse à aimer comme si elle n’était pas assez insensée, qui lui font envier le sort des oiseaux et des bêtes que rien ne trouble dans leurs passions, et se plaindre de la raison et de la pudeur si importunes et si contraignantes : dites que toutes ces choses et cent autres de cette nature, dont tous les théâtres retentissent, n’excitent les passions que par accident, pendant que tout crie qu’elles sont faites pour les exciter, et que si elles manquent leur coup, les règles de l’art sont frustrées, et les auteurs et les acteurs travaillent en vain. […] Dites, que tout cet appareil n’entretient pas directement et par soi le feu de la convoitise ; ou que la convoitise n’est pas mauvaise, et qu’il n’y a rien qui répugne à l’honnêteté et aux bonnes mœurs dans le soin de l’entretenir ; ou que le feu n’échauffe qu’indirectement ; et que, pendant qu’on choisit les plus tendres expressions pour représenter la passion dont brûle un amant insensé, ce n’est que « par accident » c, que l’ardeur des mauvais désirs sort du milieu de ces flammes : dites que la pudeur d’une jeune fille n’est offensée que « par accident », par tous les discours où une personne de son sexe parle de ses combats, où elle avoue sa défaite, et l’avoue à son vainqueur même, comme elle l’appelle.

31. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

à part le but d’utilité que les Spectacles comportent, & que nous sçaurons faire sortir dans son tems : n’est-il pas dans l’esprit de leur établissement, de récréer d’amuser. […] En un mot la représentation en genéral est un tableau : tous les rolles se répondent dans la Piéce, & tous doivent faire au Spectacle autant de ressorts pour faire sortir l’objet. […] On doit juger par-là, en attachant du mérite à la fiction quel est le prix réservé à la réalité ; ou si la honte & l’infamie sont le partage de celle-ci, quel doit être le sort de l’autre. […] Non : la preuve en est, qu’on se lasse au Jeu comme au Cabinet ; & il n’est pas rare de voir des joueurs sortir de la Scène, excédés. […] Ouvrons les yeux à la lumiére, & sortons d’une erreur aussi étrange ?

32. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VIII. Des caractères & des Mœurs Tragiques. » pp. 131-152

Il est quelquefois avantageux au Poéme, que les personnages sortent de leurs caractéres ; mais quel génie ne faut-il pas pour voiler ces dissonnances ? […] Ceux qui font profession de littérature, n’ayant à plaire qu’à des gens qui n’ont point d’idées saines, sont convaincus de leur supériorité, & leur font goûter sûrement tout ce qui sort de leur plume. […] Une amour-propre toujours dirigé à la perfection du Poéme, une étude constante des grands modèles de l’Histoire, & surtout de la Nature, un jugement sain indiqueront assez aux Auteurs la maniere la plus propre de traiter les mœurs, pour faire sortir les caractères, & leur donner ces convenances, cette qualité qui en constituent l’essence.

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