Il conseilla de même a Denys la lecture des Comédies de ce Poète, pour connaître les mœurs de la République d’Athènes : & c’était sans doute lui indiquer un bon délateur, un espion adroit, mais qu’on ne saurait se persuader qu’il estimât. […] Indépendamment de l’étude réfléchie des mœurs du grand monde, sans laquelle on ne saurait faire un pas dans la carrière du Haut-comique, ce genre présente un obstacle qui lui est propre, & dont un Auteur est d’abord effrayé : la plupart des ridicules des Grands sont si bien composés, qu’ils sont a peine visibles : leurs vices sur-tout, ont je ne sais quoi d’imposant, qui se refuse à la plaisanterie : mais les situations les mettent en jeu.
Ne sait-on pas que toutes les passions sont sœurs, qu’une seule suffit pour en exciter mille, et que les combattre l’une par l’autre n’est qu’un moyen de rendre le cœur sensible à toutes ? […] on ne règle pas après coup les mouvements du cœur sur les préceptes de la raison ; on n’attend pas les événements pour savoir quelle impression on doit recevoir des situations qui les amènent : car, si les poètes sont les maîtres des passions qu’ils traitent, ils ne le sont pas des passions qu’ils ont émues. […] Ses effets sont encore moins sensibles pour ceux dont les passions sont déjà accoutumées aux émotions les plus vives, qui sont blasés sur les plaisirs ; qui ne sentent plus rien, pour avoir trop épuisé toute espèce de sentiments et de voluptés ; qui ne s’aperçoivent plus des écarts de leur esprit et de leur cœur par l’habitude qu’ils ont contractée de les laisser s’égarer impunément, et qui se croient toujours innocents, parce qu’ils ne savent plus distinguer ce qui les rend coupables ; pour ceux en un mot qui consentent à tout, qui s’amusent de tout sans scrupule, et qui, entraînés par tout ce qui leur paraît agréable, se livrent à toutes les impressions qu’ils en reçoivent, sans s’inquiéter de ce qu’elles peuvent avoir de criminel.
Ils savent même s’occuper, d’ailleurs, dans les métiers et le commerce.
On sait que la justice, et la modération du souverain pontife actuel, et de plusieurs de ses augustes prédécesseurs éloigne pour longtemps, de semblables catastrophes ; mais enfin puisque l’expérience nous a démontré qu’elles avaient eu lieu, dans un temps, la prudence doit nous commander de craindre de les voir renaître, à une autre époque.