Tôt tôt tôt soyons contens, Il vient un temps Qu’on est trop sage.
Le plus sage, le plus vertueux des hommes (Socrate) y fut tourné en ridicule par celui qui peut-être en était le plus vicieux et le plus fou (le Comédien Aristophane). […] Ce n’est pas apparemment à l’école des Italiens, de l’Opéra, de Molière, de Poisson, de Dancourt, etc. qu’on voudra former les Princes : le beau Mentor que celui du Prince de Tarente dans la Princesse d’Elide de Molière, qui n’emploie son ascendant et sa qualité de gouverneur qu’à lever les scrupules d’un élève plus sage que lui, à lui inspirer de l’amour, et lui en aplanir les routes auprès de sa maîtresse ! […] Quelquefois, il est vrai, un homme sage, un ministre vertueux, un Burrus, par exemple, dans Britannicus, parle un moment le langage de la probité, de la justice, de l’humanité. […] et quel homme que ce sage gouverneur !
Un sage est un homme grave & sérieux, occupé de la sagesse, s’intéressant avec zele pour le bien public, plein de bienfaisance, travaillant pour l’humanité ; un homme Sans Souci est un libertin qui ne songe qu’à son plaisir, un esprit frivole qui glisse sur tout & ne prend intérêt à rien. […] Ecoutons le sage Salomon. […] Il se plaignoit avec un doux souris Que le Très-Haut, quoique prudent & sage, Donne aux Elus les peines en partage. […] C’est être veritablement sans souci, même sur sa propre reputation ; traiter tous les hommes de sots & de bêtes, & se croire le seul sage. […] Le sage de sang froid doit regarder la mort.
Les comédiens ne connoissent point cette sage économie ; ils se sont d’abord chargés du loyer : la folie & le vice sont des fonds inepuisables qui fournissent à tous leurs besoins. […] Est-il de votre caractere de negliger les devoirs de votre charge, que vous vous êtes solemnellement engagé de remplir, & qu’au lieu de rendre la justice, & d’arrêter, en Senateurs graves, sages, vertueux, les progrès du desordre, vous l’encouragez par votre exemple ? […] Le contraste est des plus frappans à Varsovie, où le Roi & toute sa cour, les ministres étrangers, les grands du royaume, les députés des provinces sont assemblés pour régler les affaires de l’Etat, le bal, la comédie, les plaisirs les plus bruyans & les plus frivoles, au milieu de ce Sénat auguste, de ce consistoire des rois, qui, dans la situation la plus triste où la Pologne se soit jamais trouvée, ce qu’elle a de plus sage, de plus grave, de plus intéressé aux malheurs publics, passe son temps à voir des cabrioles & entendre des baladins. […] Les anglois, ces philosophes par excellence ; au jugement desquels Dieu même est soumis ; les anglois ne sont pas plus sages. On remarque que les deux chambres du Parlement sont ordinairement peu nombreuses ; parce que leurs membres les hommes les plus sages, les plus éclairés de la nation sont au spectacle ou en fête : & quand on veut en angmenter le nombre, les huissiers doivent courir les cafés, les berlans, les théatres, pour aller chercher ces grands politiques qui tiennent la balance de l’Europe, qui regnent sur la terre & sur l’onde, donnent des loix à l’Asie & à l’Amérique, & regnent souverainement sur la Religion & l’Etat.