Les florentins, naturellement amateurs de la liberté regardoient l’usurpation des Médicis comme les romains regardoient l’invasion & la tyrannie de César. […] Thomas, & que si l’un est sanctifié & l’autre réprouvé, pour avoir présenté les mêmes idées, c’est que l’Eglise romaine a toujours deux poids & deux mesures, & que son intérêt dicte ses décisions. […] Telle fut la politique des Romains qui leur fit conquérir le monde : c’est un vrai Machiavélisme nuancé de quelques vertus Quelle fut encore la politique de César, d’Auguste, de Tibere qui détruisit la république, en particulier le luxe, le faste, les spectacles, le libertinage, en amollissant les peuples. Le livre de M de Montesquieu & de tant d’autres, sur la grandeur & la décadence des Romains, ne sont que des traits de Machiavélismes.
Quintilien compare le respect qu’imprimoient encore aux Romains de son tems, les noms d’Ennius & de Pacuvius, à ce respect religieux qu’impriment dans les forêts ces vieux troncs, qui ont par leur antiquité quelque chose de vénérable. […] Les Théâtres ne tomberent pas avec l’Empire Romain en Italie, s’il est vrai, comme le soutiennent quelques personnes, que la Farce Italienne, Spectacle très-ancien & très-constant en Italie, est une suite de ces Spectacles bouffons dont les Romains dans les derniers tems étoient si amoureux, & que les Zanni rendent ce Personnage nommé par Ciceron Sannio, Acteur qui, au rapport de Ciceron, faisoit rire par sa voix, son visage, ses gestes, & toute sa figure, ore, vultu, motibus, voce, denique corpore ridetur ipso. C’est par ce Passage d’un Ecrivain si grave, qu’on croit découvrir l’origine d’un Acteur, qui portant le nom bizarre d’Arlequin, est couvert d’un habit qui n’a aucun rapport à l’habit d’aucune Nation, & est un mélange de morceaux de drap, de différentes couleurs, coupés en triangles ; Baladin qui porte un petit chapeau sur une tête rasée, un masque dont le nez est écrasé, &, comme le Planipes des Romains, a des souliers sans talons ; Acteur principal d’un Spectacle dont le langage est aussi bigarré que son habit, puisque les Acteurs y doivent parler différens idiomes, le Vénitien, le Boulonnois, le Bergamasche, le Florentin ; Mime dans son jeu comme dans son habit, puisque le Mime (comme on le voit dans un Passage d’Apulée) étoit vétu centuncuculo d’un habit de piéces & de morceaux, Personnage qui est toujours prêt à recevoir des soufflets, suivant un Passage du Traité de Tertulien sur les Spectacles, faciem suam contumeliis alaparum objicit. […] L’Œdippe de Sophocle traduit en Italien, fut représenté en 1585 sur le Théâtre Olympique, & le Palladio, mort quatre ans auparavant, ne fut témoin d’aucune Représentation sur ce Théâtre qu’il avoit fait à l’imitation de ceux des Romains, exécutant ce qu’il avoit lû dans Vitruve, pour orner la Ville qui lui avoit donné la naissance.
Les Empereurs Romains n’avoient pas un fort grand respect pour les Comédiens ; en quoi ils furent très-différens du stupide Néron. […] En un mot, les Romains avoient tant de mépris pour les Acteurs que les Citoyens, qui montoient sur le Théâtre, étoient chassés de leur Tribu ; ce qui étoit la peine la plus infamante dont les Censeurs punissoient les Citoyens : Cùm artem ludicram scenamque totam probro ducerent genus id hominum, non modò honore Civium reliquorum carere, sed etiam Tribu moveri notatione Censoriâ voluerunt. […] Je pourrois imputer ces préjugés aux déclamations des Prêtres, si je ne les trouvois établis chez les Romains avant la naissance du Christianisme, & non-seulement courans vaguement dans l’esprit du peuple, mais autorisés par des Loix expresses, qui déclaroient les Acteurs infâmes, leur ôtoient le titre & le droit de Citoyen Romain, & mettoient les Actrices au rang des prostituées…… Loin de distinguer entre les Comédiens, Histrions & Farceurs, ni entre les Acteurs des Tragédies & ceux des Comédies, la Loi couvre indistinctement du même opprobre tous ceux qui montent sur le Théâtre, quisquis in scenam prodierit, ait Prætor, infamis est a.
Les Romains aimoient si fort la pudeur qu’ils en avoient fait une Déesse, sous le nom de Pudicitia, & lui bâtirent deux temples. Le premier très-ancien étoit consacré à la pudicité Patritienne, c’est-à-dire des nobles Romaines ; le second à la pudicité Plebeyenne, c’est-à-dire des Femmes du peuple. […] Lorsque dans la suite le théatre & le vice eurent degradé la vertu Romaine, on fut moins délicat dans la reception des Prêtresses de la pudicité. […] Les Philosophes Romains n’en furent point alarmés. […] Chez les Romains, quand les mœurs furent entierement corrompues, le peuple demandoit à la fin du spectacle, comme la petite piéce, que les actrices se deshabillassent : Nudentur Mimæ.