Il n’osa pas commencer à Rome ses folies théâtrales, un reste de pudeur lui fit craindre les yeux des Magistrats et du peuple.
L’impudence à se louer soi-même sans ménagement, la cabale qui paie des admirateurs, tout cela en impose par un ton hardi & ferme, par l’excès même, dont il reste toujours quelque chose, lors même qu’on en rabat. […] Son discours de réception est comme l’acte de contrition du Berger pénitent, ce fut un discours sur l’amour : ouvrage médiocre, imprimé avec mille autres futilités qui forment l’immense compilation de ses œuvres, en six volumes in-folio, où l’on a fort peu consulté les intérets de sa gloire ; car il n’y a gueres que son Aminthe & sa Jérusalem délivrée qui méritent l’impression ; tout le reste, en dévoilant les mysteres de son cœur & les foiblesses de son esprit, ne fait que dégrader cet homme célebre.
Si des exemples attachés à des Lettres mortes, confiés à des dépositaires inanimés, ont toutefois une sorte d’ame, un reste de leur antique chaleur ; quelle sera leur force & leur vie lorsqu’ils renaîtront dans l’action, qu’ils seront vivifiés par le feu du mouvement, qu’ils parleront eux mêmes, au cœur, à l’oreille, à l’œil, avec toute la grandeur des sentimens, avec tous les charmes de la voix, avec toute l’éloquence du geste ? […] Nous allons suivre les traces de ces grands guides dans la seconde partie de ce discours, où il nous reste à porter nos regards, autant qu’il convient & qu’il est permis de le faire, sur les spectacles publics, pour juger par eux mêmes de ce qu’ils sont, & de l’Ecole utile ou pernicieuse qu’il nous offrent pour les mœurs. […] Des oisifs de toute espece, des paresseux de profession, dont l’unique affaire est de ne rien faire ; l’unique soin, celui de n’en point prendre ; l’unique occupation, celle de tromper leur ennui : passant de la table aux cercles ou au jeu, & de là aux Spectacles, pour y assister sans goût, sans discernement, sans fruit ; fort satisfaits au reste d’avoir rempli le vuide d’un temps qui leur pesoit.
Au reste, mon dessein n’est point de le suivre pas à pas, ni de copier son plan. […] La corruption des cœurs n’en a pas chassé la pudeur ; ce n’est plus qu’un faible reste, il est vrai ; mais il se ranime encore, l’on aime au moins à s’en parer. […] Le reste est un ornement de bienséance qui rendrait peut-être ses autres qualités plus aimables, mais qui ne contribuerait pas à les lui faire acquérir.