Vous qui savez si bien réunir dans une même personne deux caractères si opposés, comment n’avez-vous pas senti que Joseph rapporte cet amour vivement, mais simplement, pour ne pas déroger à son caractère d’Historien ; au lieu que si Joseph avec tout l’artifice que fournit cet art, où vous vous êtes rendu si célèbre ; s’il venait, dis-je, avec toutes les richesses de la Poésie peindre les transports d’un mari passionné pour sa femme, quoique cette maladie ne règne guère en France, je ne doute pas qu’il n’y eût des maris assez sensibles pour s’attendrir à cette chaste représentation : la question est de savoir si le fruit en reviendrait à leurs épouses légitimes. […] J’avoue qu’un jeune homme qui l’observeraitg pourrait changer la thèse, et rendre le Spectateur plus susceptible de passion. […] Il est le premier à convenir qu’Homère est excellent dans ses inventions fabuleuses, et qu’il charme l’esprit par ses agréables rêveries : mais il se déchaîne aussi contre le torrent de la coutume, qui porte à lire des choses si chatouilleuses pour les bonnes mœurs ; jusques là qu’il fait honneur au Christianisme qu’un Auteur nourri dans ces sciences profanes, et dans la Religion du Paganisme, que Cicéron, en un mot, eût reproché à Homère qu’il faisait des Dieux des hommes, et qu’il érigeait les hommes en Dieux : au lieu, dit-il, qu’il aurait dû rendre les hommes semblables aux Dieux, plutôt que d’abaisser la divinité à la condition des hommes. […] Vous avez trop de piété, Monsieur, pour vouloir en dédire Saint Augustin : mais s’il m’était permis de me citer, profane que je suis, après une autorité sacrée, j’oserais vous rappeler une tirade de ma Satire, où j’ai fait voir qu’on ne va point à la Comédie pour se rendre plus vertueux ; qu’on y va seulement dans la vue d’un délassement agréable ; qu’au contraire notre orgueil se rend quelquefois plus fier par le plaisir malin que nous sentons à détourner sur le prochain la peinture des vices qui sont représentés dans les Comédies ; qu’enfin tout le fruit qu’on en retire, c’est d’apprendre le secret d’être vicieux, sans passer pour ridicule.
C’est Dieu qui est l’Auteur de cette doctrine céleste, et le Maître de cette science salutaire, car il est dit dans l’Ecclésiastique, que « c’est lui qui a établi les Fêtes, et qui en a fait l’ornement du temps et de nos années ; que c’est lui encore qui a rendu ces solennités vénérables et éclatantes par l’ordre magnifique qu’il a donné à son peuple ; afin qu’il les celebrât avec splendeur et avec majesté. […] Ce qui est encore déclaré plus expressément dans cet autre passage de l’Ecriture : « Que les Lévites se rendent fidèlement le matin dans le Temple pour bénir Dieu, et pour chanter ses louanges ; et qu’ils s’assemblent encore sur le tard, non seulement au temps de l’oblation des holocaustes, mais encore tous les jours de repos, au commencement de chaque mois, et dans toutes les autres solennités de l’année. » « Levitæ stent mane, ad confidente et canendum Domino, similiterque ad vesperam, tam in oblatione holocaustorum Domino, quam in Sabbatis, et Calendis, et solemnitatibus reliquis. » Paralip. […] C’est donc une loi de l’Eglise, qui ordonne que celui qui se rend dans les places, ou dans les endroits où se font les spectacles, au lieu d’être dans l’assemblée des fidèles pour prier les jours des Fêtes, soit séparé de la participation des saints mystères, et excommunié. […] Celui qui délivre son frère d’un si grand péril, se rend digne d’une récompense éternelle ; et celui qui néglige de l’aider, ne peut être que coupable devant Dieu ; parce que, comme dit saint Ambroise, celui qui pouvant empêcher le mal, ne l’empêche pas par négligence, sert à rendre plus hardi celui qui le commet, et participe par conséquent à son péché ; et celui-là semble commettre une mauvaise action, qui pouvant la défendre la souffre sans rien dire par lâcheté de cœur, et par défaut de zèle.
On a donné beaucoup de regles jusqu’ici sur la construction méchanique, ou sur la maniere d’élever l’édifice d’un Poëme dramatique, & l’on n’a presque rien dit sur ce qui le rend principalement utile à la société, savoir, sur le but qu’il doit se proposer de corriger les mœurs. […] J’ai cru que le public ne seroit pas fâché de voir à la suite de cet ouvrage, un Traité intitulé, Essai sur les moyens de rendre la Comédie utile aux mœurs.
Vraisemblablement ce bon Régent est du nombre de ceux qui m’ont très-faussement attribué la traduction Françoise du Santolius Pœnitens, & il s’est crû engagé d’honneur à me rendre injures pour injures. […] Il y a long-tems que Dieu me fait la grace d’être assez peu sensible au bien & au mal qu’on en peut dire, & de ne me mettre en peine que du compte que j’aurai à lui en rendre quelque jour.