/ 234
9. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE I. Faut-il permettre aux femmes d’aller à la Comédie ? » pp. 4-29

Cette fureur avoit si bien gagné les femmes à Rome, que malgré la délicatesse, la pudeur, la timidité, la pitié naturelle de leur sexe, elles faisoient leurs délices des affreux combats des gladiateurs, & demandoient même leur mort. […] Mais pour le théatre, où il n’y a que la pudeur à sacrifier, & où l’on étale au grand jour tous les charmes, les femmes en ont toujours fait, & en font encore leurs délices. […] Mais s’il s’agit de parler le langage, de peindre les folies, d’inspirer des sentimens d’amour, les voilà dans leur centre, tout est facile, tout est agréable, foiblesse, timidité, pudeur, religion, elles bravent tout. […] Une femme délicate se gardera bien de courir aux spectacles subalternes, où des couplets licencieux provoquent aux dépens de la pudeur les éclats de rire d’un peuple grossier. […] Qu’on vienne déclamer contre lui ; les anathèmes de l’Eglise, on les méprise ; les alarmes de la pudeur, on s’en joue ; barbarie chez les Grecs, qui en excluoient les femmes ; mysantropie chez les Romains, qui le couvroient d’infamie ; bizarrerie gothique parmi nous, qui laissons subsister les loix civiles & canoniques portées contre les Comédiens, & en faisons nos amis, nos modelles, nos oracles.

10. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE III. Immodestie des Actrices. » pp. 57-84

La pudeur fut donc la premiere loi imposée au pécheur, dont il sentit si bien la nécessité qu’il se l’imposa lui-même. […] Cent fois elle se dit que Dieu est offensé, & que c’est par sa faute, cent fois des restes de réligion, des retours de pudeur, lui font le procès sur son impudence ; & si jamais Dieu lui fait la grace de se convertir, ce sera le premier article de sa douleur, de sa confession & de sa réforme. […] Mais non cette apologie porte à faux à tous égards. 1.° Les Actrices, par-tout sans pudeur, paroissent dans les provinces avec aussi peu de retenue. […] Ce qui fréquente le spectacle est presque toujours immodeste, & tout ce qui est immodeste y court pour y figurer : on n’oseroit pas même y paroître couvert, on y seroit ridicule, la pudeur y est déplacée. […] & qui est la dupe de cette pudeur de commande, de ces rebuts apparens, tandis que par votre étalage vous cherchez, vous sollicitez, vous poursuivez, vous séduisez les cœurs ?

11. (1665) Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre « Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre » pp. 1-48

Toute la France a l’obligation à feu Monsieur le Cardinal de Richelieu d’avoir purifié la Comédie, et d’en avoir retranché ce qui pouvait choquer la pudeur, et blesser la chasteté des oreilles ; il a réformé jusques aux habits et aux gestes de cette Courtisane, et peu s’en est fallu qu’il ne l’ait rendue scrupuleuse. Les Vierges et les Martyrs ont paru sur le Théâtre, et l’on faisait couler insensiblement dans l’âme la pudeur et la Foi, avec le plaisir et la joie. […] Tertullien dit que la Chasteté et la Foi ont une alliance très étroite ensemble, que le Démon attaque ordinairement la pudeur des Vierges avant que de combattre leur Foi, et qu’elles n’abandonnent l’une, qu’après la perte de l’autre. […] Et comme d’un côté Molière enseigne à corrompre la pudeur, il travaille de l’autre à lui ôter tous les secours qu’elle peut recevoir d’une véritable et solide piété. […] Mais s’il lui restait encore quelque ombre de pudeur, ne lui serait-il pas fâcheux d’être en butte à tous les gens de bien, de passer pour un libertin dans l’esprit de tous les Prédicateurs, et d’entendre toutes les langues que le Saint Esprit anime, déclamer contre lui dans les Chaisesr, et condamner publiquement ses nouveaux blasphèmes ?

12. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De l’Indécence. » pp. 21-58

L’ opéra-Bouffon ne se piquat jamais de ménager la pudeur. […] C’est un plaisir de voir souvent à son Théâtre les Dames se couvrir de leur éventail, en feignant une extrême pudeur. […] ce Prince, par pudeur, ne veut pas dire à sa sœur quel crime a commis sa mère Clitemnestre : que les Poètes de l’Opéra-Bouffon se proposent un si bel éxemple de modestie ; qu’ils gravent aussi dans leur mémoire ces sages préceptes de Boileau : Le Latin dans les mots brave l’honnêteté ; Mais le Lecteur Français veut être respecté ; Du moindre sens impur la liberté l’outrage, Si la pudeur des mots n’en adoucit l’image (5). […] Je trouve dès la prémière Scène que la pudeur doit commencer à s’allarmer. […] Tout conspire dans ces deux Drames à faire rougir la pudeur.

/ 234