Non, il n’est pas possible qu’un Comédien soit juste devant Dieu, sa profession même est un grand péché. […] Il faut présumer le bien ; il s’est quelquefois trouvé des Comédiens qui par des dévotions fréquentes ont tâché de racheter devant Dieu le malheur de leur profession. […] Le grand acte de charité qu’il demande, & que l’Eglise ne fera jamais, est de révoquer l’excommunication portée contre les Comédiens, & approuver leur profession. […] L’Eglise peut-elle approuver une profession essentiellement mauvaise, lever la barriere de l’infamie & des censures que les gens de bien respectent ?
Mais il y a autant de différence entre les spectacles publics et les divertissements du cloître, que entre un repas honnête avec des personnes choisies, et les débauches du cabaret ; entre une partie de jeux d’adresse avec ses amis, et les jeux de hasard dans un brelan ; entre un menuet dansé en famille dans sa maison, et un bal nocturne, un bal d’opéra, un charivari ; la même différence que entre les personnes qui le composent ; entre des femmes publiques, et des vierges consacrées à Dieu ; des actrices fardées, à demi nues, et des vierges modestement voilées ; un amas de libertins et d’impies, et une compagnie de gens pieux et réglés ; une profession livrée au vice, et un état sacré dévoué à la religion et à la vertu. […] D’abord il se moque avec raison de ce prétendu secret, comme si les Novices et les domestiques de la maison pouvaient l’ignorer, et en particulier les Comédiens qui louent les habits, et ne peuvent manquer d’en rire beaucoup, d’en parler volontiers, et de s’autoriser dans leur profession par un pareil exemple, ce qui doit scandaliser le public, déjà trop porté à mépriser les Communautés. […] Thomas et tout le monde, d’après la loi de Moïse, qui est expresse, c’est une chose mauvaise de se masquer, à moins qu’il ne soit absolument nécessaire pour sauver son honneur ou sa vie ; à plus forte raison d’un sexe à l’autre, d’une personne consacrée à Dieu à un Comédien. 3.° Qu’il n’est pas permis à un Religieux de quitter son habit, même pour peu de temps et pour sa commodité, comme pour jouer à la boule ; à plus forte raison par bouffonnerie. 4.° Qu’il est aussi peu convenable de cacher ses habits et de les couvrir des livrées du vice, et faire un mélange indécent et ridicule du sacré et du profane. 5.° Que ces récréations toutes mondaines ne conviennent point du tout à des personnes consacrées à Dieu, qui font une profession solennelle de renoncer au monde, et qu’elles les exposent à beaucoup de dissipation et de mollesse. […] Missionnaire, qui refusa de choisir, disant qu’« il ne convenait ni à sa profession de Ministre du vrai Dieu, ni à la sainteté de la religion qu’il prêchait, d’assister à la comédie ».
Ces Docteurs concluent que les Comédiens par leur profession comme elle s’exerce, sont en état de péché mortel ; c’est pourquoi on ne doit pas les absoudre, s’ils ne promettent de quitter leurs profession. […] Je n’ai pu lire sans surprise dans la Préface de la Tragédie de Judith, qu’un Chrétien y ose dire que la Comédie par cette Pièce se fait honneur à elle-meme, en faisant honneur à la Religion, et que les Comédiens ont par là un moyen sûr et glorieux, pour confondre ceux qui s’obstinent sans cesse à décrier leur profession. […] [NDE] Josias de Soulas (1608-1671), dit Floridor, a renoncé à sa profession lors d’une grave maladie ; il est mort une quinzaine de jours plus tard.
Dans [I], de la profession de Comédien, ou du Comédisme.