leur dit-il ailleurs, quoique vous fassiez profession d’être Chrétiens, et que vous en preniez le nom. […] En effet, puis-je prendre plaisir à continuer d’instruire des personnes, qui n’ont pas dessein de profiter de mes instructions ? Un laboureur prend-il plaisir d’ensemencer une terre qu’il voit toujours demeurer stérile, après la peine qu’il s’est donnée de la bien cultiver ? […] Ils renoncent aujourd’hui au diable, et demain ils le suivront, ils prendront aujourd’hu le part de Jésus-Christ, et demain ils le quitteront, le renonceront et le déshonnoreront. […] n’est pas permis de prendre de semblables divertissements dans la vie, il faut donc se retirer dans la solitude. » REPONSE.
C’est en quoi consiste l’avantage qu’on lui donne sur tous les Comiques modernes, sur ceux de l’ancienne Rome, & sur ceux même de la Grece : de sorte que s’il se fût contenté de suivre les intentions de Mr. le Cardinal de Richelieu, qui avoit dessein de purifier la Comédie, & de ne faire faire sur le Théâtre que des leçons de Vertus Morales, comme on veut nous le persuader, nous n’aurions peut-être pas tant de précautions à prendre pour la lecture de ses Ouvrages. Pour devancer les autres comme il a fait, il s’est cru obligé de prendre une autre route qu’eux. […] Au contraire il n’y a rien de plus propre pour inspirer la coquéterie que ces sortes de Piéces, parce qu’on y tourne perpétuellement en ridicule les soins que les Peres & Meres prennent de s’opposer aux engagemens amoureux de leurs enfans. […] A ne prendre en effet que les deux derniéres syllabes de Montufar, il est aisé, par la transposition des lettres de faire artuf, & de là par une légére addition Tartuffe.
La Comédie a donc perdu de vue le point capital qui devoit fixer toute son attention, pour n’en prendre que l’accessoire : il faut donc convenir que la Comédie pour parvenir à son but, doit lancer tous ses traits sur le fond du vice, & laisser aux hommes le soin d’en chercher le ridicule. En effet le vice n’est pas dangereux parce qu’il est ridicule, mais parce qu’il entraîne après lui des suites funestes : par exemple, l’ivrognerie n’est pas un vice dangereux, parce qu’il met celui qui en est dominé dans un état d’extravagance qui lui attire les regards de tous les passans ; parce qu’il lui fait dire cent choses déraisonnables qui le font prendre pour un insensé ; mais bien parce qu’un ivrogne va dépenser au cabaret l’argent qui seroit mieux employé au soutien de sa famille ; mais bien parce qu’un ivrogne pour contenter sa malheureuse passion, laisse manquer de pain à sa femme & à ses enfans ; parce qu’il perd le goût du travail, & tombe lui-même dans la misere inséparable de la fainéantise ; mais bien parce qu’un homme dans l’état d’ivresse perd le sentiment de sa propre conservation, & qu’étant privé de raison, il n’a plus de frein qui puisse s’opposer à ses mauvais penchans. […] prenons l’avare sur lequel les meilleurs peintres comiques ont travaillé. […] Je dis plus, une Comédie qui a beaucoup fait rire les Spectateurs a manqué son effet ; car c’est une preuve que l’Auteur aura pris du vice tout ce qu’il renfermoit de ridicule, & qu’il s’en sera tellement occupé, que les Spectateurs n’auront rien trouvé d’odieux ou de révoltant dans ce vice dont on vouloit cependant les corriger.
Dans la guerre de la succession d’Autriche, après la mort de Charles VI, où presque toute l’Europe étoit en feu, le Roi de Prusse, ce Roi philosophe, qui malgré sa philosophie, deux fois ami & ennemi des deux parties, allié & combattant pour & contre selon ses intérêts, s’étoit emparé de la Saxe, & l’avoit ravagée, avoit chassé l’Electeur, son ami, Roi de Pologne, pris à Pyrna son armée prisonniere de guerre, assiegea Dresde la capitale, & la prit ; il y entra en vainqueur, se rendit au palais, & va rendre à deux Princes, & à trois Princesses, enfans du Roi de Pologne, qui y étoient restés, une visite dont ils se seroient bien passés. […] Nous avons en plusieurs cas parlé de cet événement singulier à qui l’élévation des personnes interessées, & l’intérêt que la Cour parût y prendre ont donné une célébrité qu’il ne mérite pas. […] Dans le siécle de Louis XV, il parle encore de cet événement, pour diminuer la gloire de Louis XIV, en faveur de l’Impératrice qu’il met fort au dessus de ce Prince, dans la guerre pour l’élection de l’Empéreur ; les troupes Autrichiennes prirent la ville de Genes, qui lui avoit déclaré la guerre, le Sénat craignant que la Reine de Hongrie ne demandât une ambassade pareille à celle qui fut faite au Roi de France, & sans attendre les ordres, se hate de la lui offrir.