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32. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE III. Théatre de S. Foix. » pp. 52-75

Au lieu de villes détruites, de forêts renversées, de l’univers bouleversé, suites qui doivent être répandues de toutes parts d’un déluge qui dure encore, dit-il, il fait voir les boccages du Mont Parnasse, des statues debout sur leur pied d’estal, & des Acteurs qui, comme la colombe sortant de l’arche, ne doivent savoir où mettre leur pied, se promenant, conversant tranquillement, & se disant tour-à-tour des fadeurs & des injures : Quid hoc si fractis enatat hospes navibus ? […] Mais si le cœur humain est si susceptible, si, jusque dans les Couvens, jusqu’aux pieds des Autels, il sent & se développe à lui-même un penchant vicieux, que sera-ce de cette jeune personne à la comédie, au milieu des décorations & des Actrices, écoutant, méditant, goûtant les développemens des pieces de M. de S. […] Ces statues de décoration qui s’animent, ce Silphe amoureux devenu fille de chambre, cette fille assez imbécille pour ne pas le deviner à son masque, à sa voix, à ses manieres, & l’attribuer à un corps aërien, cet amant statue qui s’émancipe aux pieds de sa maîtresse, & n’est repoussé que par grimace pour irriter ses désirs, ces services d’une femme de chambre amant, les libertés & désordres d’une femme qui se fait habiller & déshabiller par son amant travesti, &c. tout cela est sans doute sans vrai-semblance ; mais ce qui est bien plus condamnable, tout cela est sans décence & du plus pressant danger ; c’est le jeu d’une imagination libertine qui s’applique en détail & tient les heures entieres le spectateur appliqué à tout ce qu’il y a de plus séduisant. […] Autre coup de pinceau de sa main : la réflexion de l’Amour, qu’on ne veut recevoir parmi les Graces qu’en lui liant les pieds & les mains avec des guirlandes de fleurs : Cette proposition n’est qu’une petite simagrée de vertu, & une timidité de jeune fille, qui, à la faveur de la précaution qu’elle exige, cherche à se faire illusion sur la démarche qu’elle hasarde.

33. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 68-96

Je ne suis pas moins surpris de le voir prosterné aux pieds de La Fontaine avec une vénération qu’on n’a pas dans ce siécle pour les livres saints ; il se tue à excuser son attentat, d’avoir osé travailler après ce prodige, & trouver dans cet auteur divin quelque legere négligence, qu’il a cru ne devoir pas imiter, quelques endroits qu’il a cru devoir retoucher, & qui en effet sont mieux que dans son modele. […] Le corps de la sale est partagé en deux parties inégales : la premiere pour le théatre, l’autre pour le parterre & les loges : la façade est également riche & ornée : le théatre à 22 toiles de profondeur, son ouverture 32 pieds de largeur, & 24 pieds de hauteur jusqu’aux nuages, & 32 des nuages jusqu’au comble ; pour le mouvement des machines, & pour les enfers 15 pieds de profondeur. […] On entre au parterre par deux portes, qui ont des deux côtes des colomnes sur des pieds d’estaux, à la hauteur du théatre : on monte sur un Dais reservé pour la Famille Royale ; des dégrés en emphithéatre tout au tour, des colomnes posées sur le haut, des dégrés soutiennent des galeries & des balcons, ornés comme le plafond : on ne voit dans la sale que tout ce que l’architecture, la sculpture, la peinture, la dorure ont de plus riche, & de plus éclatant. […] On peint le front, les joues, les paupieres, les sourcils, le nez, la bouche, les oreilles, les ongles, les mains, les pieds.

34. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE I. Du sombre pathétique. » pp. 4-32

Commenge, bien loin d'être touché de cette conversion et de cet affreux spectacle, et de se convertir lui-même, à son exemple et à son invitation, se montre le plus scandaleusement amoureux ; il quitte son rang, s'élance auprès d'elle et se jette à ses pieds, lui prend et lui baise la main ; et bientôt, par un second transport qui met le comble au scandale, il s'élance sur son lit, se jette sur elle, l'embrasse, l'arrose de ses larmes. […] Enfin après cinq ans il veut apostasier, pour voler aux pieds de sa maîtresse, dès qu'il apprend qu'elle est veuve. […] Tous ces affreux serments sont enfin oubliés : J'adore Adelaïde et je vole à ses pieds. » Adelaïde avoue aussi que cent fois elle a voulu escalader les murs. […] Dans des personnages vrais et connus l'anacronisme est ridicule : l'extinction de la maison de Comminge, dont on dit avec emphase, arrête au trône seul sa tige enorgueillie ; et la réunion de la comté de Comminge à la Couronne, où les deux branches prétendues de cette maison vivent dans leurs terres jusqu'à mettre le Comte en prison dans un château au pied des Pyrénées. […] Ce Roman fait vivre Adelaïde au pied des Pyrénées, et élever dans un Monastère voisin de la Trappe.

35. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

Irai-je caressant d’orgueilleux embrions, Me prosterner sans honte aux pieds des histrions ? […] C’est un tableau très-divertissant que celui d’Hercule aux pieds d’Omphale, cet homme, si célebre dans la fable, & sur la scene, vraisemblablement copié en partie sur l’histoire de Samson aux pieds de Dalila. […] Ce tableau renouvellé tous les jours par les plus grands Seigneurs aux pieds des Actrices, fait voir l’empire des femmes, & la bassesse honteuse de la passion. […] Ils se plioient si bien, qu’ils faisoient de leur corps une boule, se rouloient sur la pelouse, se lançoient à deux ou trois pieds. […] En approchant du trône, toujours nuds pieds & la tête ornée de grandes plumes, on faisoit trois prostrations en des temps & des lieux marqués, & de même à reculons, sans jamais tourner le dos ni même lever les yeux, ce qui eût été un crime puni de mort.

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