Si l’intrigue est pressée, rapide, l’ame attentive à ce qui se passe, n’a pas le tems, s’il m’est permis de parler de la sorte, de réflèchir sur la tromperie qu’on lui fait ; elle s’afflige, ou se réjouit avec des personnages chimériques, qu’elle croit rèels. […] Il serait plutôt permis de tripler l’action dans une Comédie, que de la rendre un peu confuse dans un Poème du nouveau genre. […] Le seul couplet que je permettrais qui fut tout-à-fait étranger au Drame, serait celui que l’on adresse au Public, pour demander son indulgence. […] Le Père, la Mère, ou le tuteur, ne veulent pas consentir à l’hymen des jeunes Amans ; ils s’intéressent en faveur d’un autre : Lorsque le Drame est parvenu à sa juste longueur, ils permettent enfin leur union, sans qu’on voie d’autre cause d’un changement si subit de volonté, que l’obligation où se trouve le Poète de terminer la Pièce.
« Je me sens accablé, dit-il dès la deuxième page, par un torrent de passages, de Conciles et de Pères, qui depuis le premier jusqu’au dernier ont tous fulminé contre les spectacles, et ont employé la ferveur de leur zèle, et la vivacité de leur éloquence pour en donner une si grande horreur aux fidèles, que les consciences faibles et timorées ne veulent pas même qu’il soit permis d’en disputer, et traitent de pernicieux et de relâchés, les Docteurs qui ont l’indulgence de les tolérer. » I. […] Le prétendu Théologien ne les a point déguisés ; et Dieu a permis qu’il soit arrivé aux Comédiens en cette rencontre, ce qui arriva au malheureux Balac Numer. […] Mais ne leur est-il pas permis de se délasser quelquefois par des promenades, par des conversations ou par quelqu’un de ces divertissements, qui d’eux-mêmes sont indifférents, et qui sont même quelquefois nécessaires de peur que l’esprit et le corps ne succombent sous une application, et des fatigues continuelles ? […] » C’est pourquoi il ne voulut pas même permettre aucun plaisir public pendant les cinquante jours depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte, parce que ces jours étaient regardés comme des jours de Fête, et ils furent ainsi compris dans la dernière Loi de feriis ; où il est dit si expressément : « Dies festos majestati altissima dedicatos nullis volumus voluptatibus occupari.
J’en parlerai moi, et même pour justifier l’usage qu’on en fait : on les représente tels qu’ils sont, fourbes, fripons impudents, par une raison très louable, c’est comme si l’on disait aux pères de famille : « Vous qui négligez de prendre vous-mêmes soin de l’éducation de vos enfants, qui ne leur donnez souvent que vos valets pour surveillants ou tout au moins qui leur permettez trop de commerce avec eux, vous qui, par une sévérité mal entendue, êtes presque toujours opposés à des goûts que la nature et la jeunesse autorisent ; vous qui, sans faire aucune attention à l’inclination, au goût, au caractère de vos enfants, ne leur prescrivez que ce qu’ils doivent haïr, ne soyez point surpris s’ils se livrent à des conseils tout à fait opposés à vos vues, et si les avis d’un Valet fripon ou d’une Soubrette effrontée obtiennent leur confiance que votre dureté leur a fait perdre. » Voilà Monsieur l’usage que nos Auteurs font des valets. […] Le Menteur, le Joueur, le Glorieux, l’Ingrat, le Flatteur, le Prodigue, le Méchant sont assurément des vicieux et non pas des ridicules ; s’ils font rire quelquefois, ils indignent encore plus souvent ; permis à vous seul de ne les trouver que plaisants ; vous avez un goût privilégié. […] La Vérité est-elle donc si sévère qu’elle ne permette pas un peu de dissimulation sur des bagatelles ; ou si elle ne permet pas cette complaisance, a-t-elle prescrit de défendre ses droits d’une manière brusque et impolie ? […] Voilà, je crois, les reproches essentiels que vous faites à la Comédie assez bien combattus pour qu’il me soit permis de négliger tous les autres Paradoxes que votre prévention vous a dictés.
Ainsi en ces vives couleurs vous faites briller l’éclat, le pourpre étincelant, et l’émail des vôtres, et entre mille belles fictions sentez un aise véritable de dire la vérité, qui citoyenne du ciel ne permet qu’aux Déesses la jouissance de sa conversation : Le souvenir du bonheur de la vôtre me tire ces paroles du cœur, Que je suis ravie en l’admiration des perfections, qui vous ont aussi dignement acquis mon esprit, que l’affection dont je vous veux honorer et servir, et ne me laisser non plus égaler en ce désir, que vous aux vertus qui vous élèvent au trône de la gloire, que je loue par mon silence, puisqu’il faut que le pauvre Aristée se taise lorsque le grand Apollon commence à chanter.