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120. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IX. Sentiments de S. Ambroise. » pp. 200-211

Je ne pense pas qu’on se dissimule que tous ces traits retombent directement sur le théâtre, qui rassemble tous ces dangers à la fois. […] Qu’il périsse ce corps qui a pu plaire aux hommes : c’est déjà faire injure à mon époux de penser que je puisse plaire à quelque autre. […] Qu’on chasse loin d’ici les tristes remords, les sombres réflexions, l’importune morale ; tout doit ici penser comme moi, le plus scélérat sera mon favori, « apud me primus qui perditissimus » ; le plus fou sera le plus sage, le plus libertin sera le plus agréable, on ne sera bien à moi qu’autant qu’on ne sera plus à soi-même, « ille gratior qui nequior, ille meus est qui suus non est ».

121. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CINQUIEME PARTIE. — Tragédies à rejeter. » pp. 235-265

Je pense donc que le meilleur usage que l’on en puisse faire, c’est de laisser aux curieux le plaisir d’en goûter les beautés à la lecture, plutôt que de s’obstiner à la faire représenter sur aucun Théâtre, quelque correction qu’on y fasse. […] Par là ces deux grands Hommes ont bien fait sentir la vérité de ce que j’ai dit dans l’examen de Bérénice : et je crois, qu’après avoir étudié soigneusement le cœur de l’homme, on conviendra qu’ils ont raison tous deux ; cependant, cette réflexion ne m’empêchera pas de penser, qu’il ne faudrait jamais choisir dans les faiblesses de l’amour des sujets dignes de la majesté tragique. […] J’ai exactement tenu parole, et si mes Lecteurs en doutaient, il me serait aisé de les détromper, et de leur faire voir qu’il y a nombre de Pièces qui pêchent par des défauts d’imagination et de conduite, que je me suis bien gardé de relever : suivant ce principe, je dirai librement ce que je pense sur l’Astrate de M.

122. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre III. Origine des Théâtres. » pp. 22-49

N’a-t-on pas lieu de penser que cette joie tumultueuse qu’ils ressentaient, dans quelque grande cérémonie, ou bien après une victoire signalée, ne leur ait fait inventer une espèce de Spectacle ? […] Je pense que la Comédie, formée grossiérement dans les Peuplades, ou sociétés des hommes de la campagne, aura passé dans le sein des villes, chez les Nations les plutôt civilisées. […] Le ridicule de voir sur la Scène représenter la Passion, ne surprendrait point, si l’on considérait quelles étaient les mœurs & la façon de penser des Siècles qui s’en amusèrent. […] On pense pourtant qu’elle ne prit une certaine forme qu’à la fin du quinzième siècle.

123. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

« Maintenant qu'il s'agit de mon seul intérêt, Vous demandez ma mort, j'en accepte l'arrêt, Votre ressentiment choisit la main d'un autre; Je ne méritais pas de mourir de la vôtre, On ne me verra point en repousser les coups: Je dois trop de respect à qui combat pour vous, Et ravi de penser que c'est de vous qu'ils viennent, Puisque c'est votre honneur que ses armes soutiennent, Je vais lui présenter mon estomac ouvert, Adorant en sa main la vôtre qui me perd. » En vérité, peut-on pousser la profanation plus avant, et le faire en même temps d'une manière qui plaise davantage et qui soit plus dangereuse. […] Je pense qu'il souffrirait assez impatiemment dans les unes, ce qu'il respecte tant dans les autres, et que dès qu'il verrait cette sévérité tant vantée dans un sujet auquel il prendrait quelque intérêt, il reconnaîtrait bientôt ces fausses vertus pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire, pour des vices véritables. […] « Le remède y plaît moins que ne fait le poison. » Telle est la corruption du cœur de l'homme, mais telle est aussi celle du Poète, qui après avoir répandu son venin dans tout un ouvrage d'une manière agréable, délicate et conforme à la nature, et au tempérament, croit en être quitte pour faire faire quelque discours moral par un vieux Roi représenté, pour l'ordinaire, par un fort méchant Comédien, dont le rôle est désagréable, dont les vers sont secs et languissants, quelquefois même mauvais,: mais tout du moins négligés, parce que c'est dans ces endroits qu'il se délasse des efforts d'esprit qu'il vient de faire en traitant les passions: y a-t-il personne qui ne songe plutôt à se récréer en voyant jouer Cinna, sur toutes les choses tendres et passionnées qu'il dit à Emilie, et sur toutes celles qu'elle lui répond, que sur la Clémence d'Auguste, à laquelle on pense peu, et dont aucun des spectateurs n'a jamais songé à faire l'éloge en sortant de la Comédie. […] Je ne pense pas que selon cette règle on puisse justifier celui qui va à la Comédie, ni celui qui la joue.

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