Mais non, dans ce dessein je l’aurois devancée ; L’amour m’en eût d’abord inspiré la pensée. […] Les mots, ces signes représentatifs de nos pensées, & qui les représentent si imparfaitement, ont beau varier à l’infini, suivant le génie ou le caprice des diverses Nations, ils ne changent rien aux pensées, aux sensations, ni aux sentimens. […] Pensée fausse d’ailleurs ; car on n’est jamais heureux dans le crime. […] Quelle magnificence d’expression & de pensée dans les vers suivans ! […] Il m’est venu une pensée en relisant Esther.
Nombre infini de mauvaises pensées, de mauvais desirs, de paroles, de libertés dans ceux à qui on a le malheur de plaire, ou pour ceux qui nous ont plu. […] C’est une pensée communs chez les peres, d’après Tertulien & Saint Cyprien, que le fard fait injure à Dieu, que c’est vouloir réformer son ouvrage, y ajouter, & l’embellir, comme un apprentif qui oseroit toucher aux tableaux d’Apelle, que ce qui est naturel est l’ouvrage de Dieu, & ce qui est artificiel l’ouvrage du démon : Quod nascitur, opus Dei est ; quod fingitur, diaboli. Le germe de cette pensée, que les Peres ont dévélopée, semble renfermé dans ces paroles de l’Evangile : vous ne pouvez changer la couleur même d’un de vos cheveux, ni rien ajouter à votre taille. […] Il est aussi une autre espece de fard que les Peres conseillent : la blancheur de l’innocence, le rouge de la pudeur, l’or de la charité, le collier de l’obéissance, les pendans d’oreilles de la docilité, les fruits des bonnes pensées, les diamans des bonnes œuvres, les parfums des bons exemples. […] Un regard, une pensée sur un objet défendu, sont des péchés ; un regard, un cheveu peut faire naître à quelqu’un, de mauvaises pensées pour séduire son cœur, & le blesser par l’amour.
Je dis donc premièrement que la Comédie n’est pas une chimère ni une idée purement métaphysique ; et cela étant, c’est une vision qu’on puisse, selon la pensée du Théologien, la considérer indépendamment de toutes circonstances, bonnes ou mauvaises. […] et demeureraient-ils dans un emploi qui est condamné par l’Eglise, s’ils avaient une telle pensée ? […] Ne craint-elle pas de se rendre coupable devant Dieu de toutes les pensées criminelles qu’elle peut faire naître dans leurs esprits ? […] Cet Auteur met encore cette différence entre les autres crimes et la Comédie ; que les premiers n’attaquent chacun qu’un de nos sens à la fois ; les pensées déshonnêtes par exemple ne souillent que l’esprit ; les regards impudiques ne se commettent que par les yeux ; les mauvaises paroles ne sont reçues que par les oreilles ; et lorsque l’un de ces sens est souillé et corrompu par le crime qui lui est propre, les autres en sont cependant exempts. […] Elle corrompt, dis-je, l’âme par les mauvaises pensées ; le cœur par les mauvais désirs ; les oreilles par les paroles déshonnêtes et équivoques, et les yeux par les regards lascifs et licencieux.
Vous désirez donc savoir mes pensées touchant la Comédie, et s’il est permis à un Chrétien d’y aller. […] La manière qui consiste dans les termes, et les actions avec lesquelles les Acteurs expriment les pensées et les desseins convenables aux personnages qu’ils font. […] Ajoutez que ces Comédies se jouent aux flambeaux, et de soir, ce qui ne contribue pas peu à favoriser le vice, et à lui faire jeter dans l’âme de ceux qui y assistent, de très profondes racines : les impressions que ces œuvres de ténèbres, revêtues d’une fausse lumière, leur font, leur servent d’entretien tout le reste du jour, et forment les dernières pensées qu’ils ont dans leurs lits, qui sont des semences de péché, que le démon fait germer par ses illusions, et qu’il conduit jusques à son dernier effet, à la faveur de la concupiscence. […] Si je voulais suivre l’ouverture que me donne ce sujet pour vous entretenir, j’aurais de la peine à conclure cette lettre et vous seriez plutôt ennuyé, que je ne manquerais de pensées.