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21. (1802) Sur les spectacles « FUITE DES MUSES ET DU BON GOUT : Peut-on compter sur leur retour ? » pp. 3-11

Ce qui blesse aujourd’hui l’oreille des mères n’excitait de leur part aucune réclamation du temps de Molière. […] Au surplus, pour en revenir à la difficulté de dire avec grâce, ce que l’on ne peut risquer crûment, sans blesser les oreilles ; disons que l’obstination que l’on apporterait à la vaincre détruirait peut-être le vis comica, d’autant plus que la victoire serait plus signalée. […] Mon oreille a été frappée de la consolante expression de l’immortel Quos ego,.… accompagné de la réflexion : « Sed motos præstat componere fluctus. » Aristénète.

22. (1574) Epître de saint Cyprien contre les bateleurs et joueurs de farces « Epître de saint Cyprien contre les bateleurs et joueurs de farces. » pp. 423-426

Idolatrie, ainsi que j’ai dit, est la mère de tous les jeux, laquelle afin que les Chrétiens fidèles aillent à elle, les amadoue et flatte par le plaisir des yeux et des oreilles. […] Ces jeux de prix Grégeoisu, ou en chants, ou en instruments de musique, ou en voix, ou en forces, ont pour leurs chefs, divers diables : et toute autre chose qui émeut et attire les yeux des Spectateurs, ou attraitv les oreilles, si on regarde son origine et institution, on trouvera que la cause est ou une Idole, ou un diable, ou un mort. […] Il n’est pas licite, dis-je aux Chrétiens fidèles de se trouver à tels Spectacles : il ne leur est pas licite totalement : ni semblablement écouter ceux, que la Grèce envoie de toutes parts, instruits de ses arts vaines et frivoles, pour chatouiller les oreilles : l’un sonnant de la trompette bellique, l’autre de clairons, l’autre jouant de la flûte, chants piteux et lugubres, l’autre entre les danses avec une harmonieuse voix d’un homme, s’efforçant de toute son haleine, qu’à grand force il tire du profond de ses entrailles, fredonnant des doigts sur les pertuisag des flûtes, maintenant lâchant son vent, maintenant l’enfermant dedans, et le retirant, maintenant le lâchant par certains pertuis, et l’espardantah en l’air, déchiquetant le son distinctement et par articles, s’efforce parler des doigts, se montrant ingrat envers l’ouvrier, qui lui a donné la langue. […] Les fidèles Chrétiens (comme nous avons dit par plusieurs fois) doivent fuir tous tels Spectacles tant frivoles, tant dommageables et sacrilèges, et garder diligemment nos yeux et nos oreilles : car nous nous accoutumons bien aisément aux vices, desquels nous oyonsak parler.

23. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre premier. De la Musique. » pp. 125-183

De plusieurs sons multipliés, & des diverses infléxions de la voix, il résulte quelque chose d’agréable, qui charme l’oreille, & que nous appellons Musique en général. […] Le souffle léger du zéphir qui frémit agréablement à notre oreille, nous réjouit, nous enchante ; le sifflement des vents mutinés nous inspire une certaine crainte, & nous porte à la fureur. […] Dès que nos oreilles sont frappées par le bruit des flots qui roulent l’un sur l’autre, & qui se précipitent en mugissant sur le rivage, la terreur s’empare de nous, des mouvements de colère sont prêts à nous animer. […] Une jeune Bergère, remplie du désir de se distinguer, épia si souvent le rossignol ou la fauvette ; elle prêta une oreille si attentive à leur ramage, qu’elle parvint enfin à le contrefaire en partie. […] Dès qu’elle fut reçue dans les Eglises, elle attirait une foule de Gentils, qui venaient satisfaire leur curiosité, & charmer leurs oreilles de ses sons harmonieux.

24. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien cinquieme. Le danger de la Comedie en particulier, decouvert par le R. P. F. Guilloré de la Compagnie de Jesus. » pp. 67-79

Tout cela, ne sont-ce pas autant de fortes attaques, données par les yeux, & par les oreilles, au cœur des personnes, qui écoutent ce qui se declame, & qui voyent le spectacle d’une comedie, pour y porter des impressions d’amour, en leur amolissant la volonté ; en leur gravant dans l’imagination des images, & des representations moins honnétes ; & en leur laissant dans la memoire des idées, qui ont toûjours quelque chose de sensuel ? […] Car de penser que parmi tant de charmes pour les yeux, & pour les oreilles, que presente le theatre, l’on puisse y être avec un cœur invulnerable, & une pureté toûjours exacte & delicate, c’est une idée, & tout ensemble une temerité, qui merite que l’on perde ce que l’on pretend conserver. […] C’est à dire, Madame, que le poison est presenté avec bien de la douceur, & dans un vase d’or, & que ce qui avoit coûtume d’offenser les yeux & les oreilles, par une liberté trop effrontée, ayant été banny du Theatre, on y a laissé l’air le plus doux, & le plus empoisonné de l’amour.

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