Sans doute tous nos divertissements forcés et factices, inventés et mis en usage par l’oisiveté, sont bien au-dessous des plaisirs si purs et si simples que devraient nous offrir les devoirs de Citoyen, d’ami, d’époux, de fils, et de père : mais rendez-nous donc, si vous le pouvez, ces devoirs moins pénibles et moins tristes ; ou souffrez qu’après les avoir remplis de notre mieux, nous nous consolions de notre mieux aussi des chagrins qui les accompagnent. […] Que reste-t-il à faire à la Philosophie, que de pallier à nos yeux par les distractions qu’elle nous offre, l’agitation qui nous tourmente ou la langueur qui nous consume ? […] C’est la morale mise en action, ce sont les préceptes réduits en exemples ; la Tragédie nous offre les malheurs produits par les vices des hommes, la Comédie les ridicules attachés à leurs défauts ; l’une et l’autre mettent sous les yeux ce que la morale ne montre que d’une manière abstraite et dans une espèce de lointain. […] Mais les malheurs de la vie privée n’ont point cette ressource à nous offrir ; ils sont l’image fidèle des peines qui nous affligent ou qui nous menacent ; un Roi n’est presque pas notre semblable, et le sort de nos pareils a bien plus de droits à nos larmes. […] Personne, Monsieur, ne prétendra le contraire ; des hommes assez heureux pour se contenter des plaisirs offerts par la nature, ne doivent point y en substituer d’autres ; les amusements qu’on cherche sont le poison lent des amusements simples ; et c’est une loi générale de ne pas entreprendre de changer le bien en mieux : qu’en conclurez-vous pour Genève ?
Alype tombe à la vue d’un Spectacle qui ne présente rien que d’affreux & de révoltant ; & on prétendroit ne pas même chanceler au milieu de Spectacles qui n’offrent rien que de séduisant, & ce qu’il y a de plus capable d’irriter les penchans d’une nature corrompue ?
Voyez-vous ces portiques, ces théatres, tout est plein de femmes qui s’offrent à vous, vous n’avez qu’à choisir, vous ne risquez point de refus. […] Tout le bonheur n’est qu’un spectacle ; c’est la frivolité même, semblable aux repas en peinture d’Héliogabale, où les alimens & les fruits artificiels n’offrent que des ombres au convive affamé, ou, si l’on veut, comme Tantale, que les alimens & les eaux fuyoient à mesure qu’il vouloit y porter la main. […] Quelle facilité de les imiter, multipliés de tous côtés, étalés avec avantage, offerts avec empressement, loués à l’excès, goûtés avec transport, invitant, pressant avec une sorte de violence ! […] Grigri, petit Roman de Cahusac., où parmi bien des indécences, on trouve de jolis portraits, des traits ingénieux, & des vérités, parlant de l’amour de théatre, prouve dans un chapitre exprès, qu’au spectacle il n’y a ni ne peut jamais y avoir un véritable amour, mais galanterie & débauche. 1.° On n’y cherche qu’à plaire, ce qui émousse le sentiment. 2.° On n’y étale que de la volupté, ce qui la partage, & l’effet de la volupté est plus rapide. 3.° On y offre le plaisir trop rapide, ce qui l’anéantit ; la pente naturelle y mène, & la passion satisfaite, le sentiment est éteint. 4.° On en éloigne le sentiment, en montrant le sexe méprisable par mille défauts & ridicules, on l’estime moins, comment aimeroit-on ?
Si elle offre quelques ornemens à l’éloquence, c’est de la même maniere qu’un arbre est paré de ses feuilles, qu’il nourrit de sa propre substance La déclamation tirant son origine, & son lustre de l’éloquence, perd l’une & l’autre en se séparant d’elle. […] L’Histoire nous offre à la vérité, nombre d’événemens tragiques.