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34. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Enfin l’œil se lasse à contempler la nature : il n’y a que l’art, qui en se développant, ait le talent de le soutenir. […] On peut en imposer aux yeux, surprendre l’esprit, séduire l’oreille. […] Ce sont autant de tons divers qu’il faut prendre de coup d’œils différens à offrir, de masques qui doivent se succeder. […] La vertu ne passe jamais sous nos yeux sans impression pour nous. […] Ouvrons les yeux à la lumiére, & sortons d’une erreur aussi étrange ?

35. (1680) Entretien X. Sur la Comédie « Entretien X. sur la Comedie » pp. 363-380

Entretien X. sur la Comedie LE grand usage de ce divertissement, qui est si agréable à la veuë, & à l’esprit, fera peût-être, qu’il ne me sera pas facile de desabuser les personnes, qui se voyent autorisées de l’exemple de tant de gens, & favorisées de l’inclination de la nature corrompuë : Mais peût-être aussi, quand j’auray ôté le bandeau de dessus leurs yeux, ne verront-elles pas moins le danger du Théatre, qu’elles en ont trouvé jusques icy les spectacles charmans. […] Tout cela, ne sont-ce pas autant de fortes attaques, données par les yeux, & par les oreilles, au cœur des personnes, qui écoutent ce qui se déclame, & qui voyent le spectacle d’une comédie, pour y porter des impressions d’amour, en leur amolissant la volonté ; en leur gravant dans l’i-imagination des images, & des representations moins honnêtes ; & en leur laissant dans la memoire des idées, qui ont toûjours quelque chose de sensuel ? […] Car de penser, que parmi tant de charmes pour les yeux, & pour les oreilles, que présente le Théatre, l’on puisse y estre avec un cœur invulnérable, & une pureté toûjours exacte & délicate, c’est une idée, & tout ensemble une témérité, qui mérite, que l’on perde, ce que l’on prétend conserver. […] mon Dieu, Madame, laissons là, je vous prie, cette partie si délicate de l’Eglise, sans la toucher rudement : Ces gens portent alors avec eux leur condamnation, sans que nous soyons obligez de parler ; nous ne devons avoir, que le silence, & le gémissement, respectant toûjours leur caractére ; nous n’avons qu’à baisser les yeux de honte, pour celle, qu’ils ne prennent pas, comme pour nous persüader, que nos yeux ne voyent pas, ce qu’ils voyent en effet ; Et je m’asseure, que vous-même, ayant l’esprit un peü Chrêtien, vous ne tirerez pas avantage d’un exemple, qui passe le scandale ordinaire, pour aller plus librement à la Comédie. […] C’est à dire, Madame, que le poison est presenté avec bien de la douceur, & dans un vase d’or, & que ce qui avoit coûtume d’offenser les yeux & les oreilles, par une liberté trop effrontée, ayant esté banny du Théatre, on y a laissé l’air le plus doux, & le plus empoisonné de l’amour.

36. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIV. La fréquentation des spectacles ne peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un véritable chrétien. » pp. 118-132

Mais, pour leur ouvrir les yeux, il suffit de leur rappeler le véritable esprit du christianisme, et leur faire voir que les spectacles lui sont entièrement opposés dans leur nature et dans leurs effetsba. […] Un chrétien est un homme qui, renonçant du fond de son cœur à tout ce qui flatte les sens, ne doit s’occuper qu’à les mortifier ; qui, ayant fait, comme le saint homme Job, un pacte avec ses yeux, pour ne point les arrêter sur aucun objet qui puisse corrompre la pureté de son âme, doit vivre en ange dans la maison d’argile qu’il habite : un chrétien est un homme dont les oreilles ne doivent entendre que ce qui est bon et édifiant ; qui, tout céleste dans ses pensées, tout spirituel dans ses actions, ne vit que selon Dieu et pour Dieu : un chrétien est un disciple de Jésus-Christ, qui, tout occupé de ce divin modèle, doit le retracer en lui tout entier ; qui adopte la croix pour son partage, qui goûte une vraie joie et une vraie consolation dans les larmes de la pénitence ; qui, toujours armé du glaive de la mortification, pour soumettre la chair à l’esprit, doit combattre sans cesse ses inclinations, réprimer ses penchants : un chrétien est un homme qui, convaincu que tout ce qui est dans le monde n’est, comme le dit saint Jean, que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, ne voit dans ces assemblées que périls, dans ces plaisirs que crimes ; et qui, en marchant à travers les créatures, doit craindre d’en être souillé : un chrétien est un homme mort au monde, mort à lui-même, et aussi différent des enfants du siècle que la lumière l’est des ténèbres ; enfin, un chrétien est un autre Jésus-Christ qui le représente, qui l’imite dans toutes ses actions, qui pense comme lui, qui non-seulement s’est engagé à marcher sur ses traces, mais qui a encore juré de ne jamais s’en écarter ; voilà ce que c’est qu’un chrétien. […] On suit comme des yeux les honteux progrès de sa passion ; on écoute de sa bouche ses criminels aveux, et les sens ne résistent pas à une amorce si dangereuse. […] Il ferma constamment les yeux pendant le spectacle ; mais tout à coup, sur la fin, un cri extraordinaire frappa ses oreilles et excita sa curiosité : il ouvrit les yeux.

37. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE VI. Ericie, ou les Vestales. » pp. 138-159

On lui enveloppoit la tête & tout le corps de plusieurs pieces d’étoffe, pour la dérober aux yeux du peuple, & empêcher qu’on n’entendît ses cris. […] On couvre d’un voile le visage d’Ericie contre le costume, & on veut que le public voie à travers qu’elle leve, baisse les yeux, est effrayée, interdite, ce qui est impossible, le voile fût-il clair. […] Cachant son nom, son rang, évitant tous les yeux, Le barbare est, dit-on, au service des Dieux. […] Sans doute à l’innocence ils offrent un azile ; Mais le temps changera cet état précieux, & levera le voile étendu sur vos yeux. […] Le monde qu’aujourd’hui vous trouvez odieux, Sous un jour différent va s’offrir à vos yeux.

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