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3. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE PREMIER. De la Passion de presque tous les Peuples pour la Poësie Dramatique. » pp. 8-16

Les Missionnaires trouvant dans cette Nation cet amour pour les Spectacles, y firent exécuter des Piéces sur nos Mysteres, c’est-à-dire, des Autos Sacramentales dans le goût Espagnol. […] Il seroit à souhaiter que l’Ynca, Historien de son Pays, nous eût donné une Traduction d’une des Tragédies de sa Nation. […] Voilà ce que comprirent en peu de tems les Grecs, & ce que les autres Nations ont eu tant de peine à comprendre. […] Elles sont cause quelquefois que les Arts se perfectionnent ; quelquefois aussi leurs progrès sont arrêtés par un certain goût répandu dans une Nation. Dans quel état est encore la Poësie Dramatique chez les Anglois, nation si éclairée, & où les Poëtes Grecs sont si connus !

4. (1825) Des comédiens et du clergé « Des comédiens et du clergé. —  De la suprématie de la puissance séculière sur la puissance ecclésiastique ; des erreurs et des crimes du clergé et des anathèmes fulminés par les conciles contre les prêtres et les séculiers qui attentent à l’autorité et à la vie des souverains. » pp. 331-345

Les désordres infinis du clergé de France excitèrent les craintes de la nation et du roi Henri III, aux états de Blois, tenus en 1588 ; le garde des sceaux de Montholon prononça dans cette assemblée, au nom de ce prince, un discours dans lequel on remarque le passage suivant : « Sa majesté demande donc d’abord au clergé puisqu’il est chargé de la réformation des autres, qu’il commence par se réformer lui-même, et donner bon exemple aux autres ordres de l’Etat. » Cette mercuriale, justement méritée et justement appliquée, devait porter le clergé à écouter la parole royale et le vœu de la nation, et à rentrer de lui-même dans les principes de l’Evangile et dans les dogmes apostoliques, qui indiquent et ordonnent aux ministres du culte une soumission entière à la volonté du prince ; mais loin de produire un effet aussi salutaire, aussi conforme aux préceptes de la religion, cette mercuriale ne fit qu’allumer le feu de la vengeance dans le cœur du clergé, et le prince qui l’avait ordonnée fut cruellement assassiné l’année d’ensuite par Jacques Clément prêtre et dominicain !… Henri III, frappé d’un coup mortel, profite de ses derniers instants pour adresser à ceux qui l’entourent un discours où il reproduit les malheurs de l’Etat, et dans lequel on remarque ces paroles : « A tant d’attentats mes ennemis ont ajouté le parricide ; et ce qui m’est encore plus cruel que la mort même c’est qu’en deshonorant a jamais le clerge, elle va couvrir d’une eternelle ignominie la nation française, qui jusqu’ici s’est toujours distinguee par son attachement pour ses rois, et par son zele pour la patrie. […] D’où provenait donc l’influence que le clergé exerçait sur la nation ? […] -C., il peut les priver de leur royaume, donner leurs états à un autre prince, et dégager leurs sujets de l’obéissance qu’ils lui doivent, et du serment qu’ils lui ont fait11. » Et après la mort de ce monarque, Busenbaum, célèbre jésuite, ne craignit pas de publier dans un de ses ouvrages : « Que l’action de Jacques Clément, dominicain, est une action mémorable, par laquelle il avait procuré à sa patrie et à sa nation le recouvrement de sa liberté ; que le massacre du roi lui fit grande réputation, et qu’étant d’une complexion faible, une vertu plus grande soutenait son courage. » De tels préceptes et de tels récits excitent l’indignation de tous les hommes de bien, en même temps qu’ils méritent toute la répression de l’autorité séculière. Mais le clergé de France était d’autant plus coupable, d’autant plus criminel de propager des dogmes aussi affreux qu’ils étaient condamnés et fulminés par les propres canons des SS. conciles, et que d’après les lois de l’Eglise, les souverains, loin d’être soumis à la puissance ecclésiastique, et de pouvoir être tués, lors même qu’ils deviendraient tyrans, sont au contraire considérés comme sacrés dans leur personne et dans leur autorité : 1° « Principi populi tui non maledices ; vous ne maudirez point le prince de votre nation.

5. (1768) Observations sur la nécessité de la réforme du Théatre [Des Causes du bonheur public] «  Observations sur la nécessité de la réforme du Théâtre. » pp. 367-379

Le pieux & sensible Fénelon occupé sans cesse du bien de l’humanité. proposoit la réforme du Théâtre à cette célebre Compagnie faite pour imprimer le sceau de son génie à la Nation***. […] Au reste la vertu inspireroit peut-être à nos beaux génies les moyens de concilier le goût de la Nation & les mœurs. […] Quels amusements ont ces étrangers, ces hommes de toutes les Nations qui abordent dans vos murs ? […] Le dévouement des héros de Calais a remué tous les cœurs de la Nation. Je me suis plus arrêté à la Tragédie qu’à la Comédie, parce qu’il me semble que le goût de la Nation & des Auteurs est tourné presque totalement au Tragique.

6. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VIII. Des caractères & des Mœurs Tragiques. » pp. 131-152

Les premieres tiennent au tempérament, aux usages, au goût dominant des Nations. […] Si sa Nation goûte les descriptions empoulées, tout prendra dans sa bouche l’emphase de l’affectation & du rafinement. Si la Nation est légere, inapliquée, magnifique, il se glissera dans le portrait des nuances de ces manieres. […] Tous les Peintres ont, comme on sait, un goût & des manieres qui leur sont propres, & tous cherchent à plaire à leur nation, sur-tout quand ils travaillent directement pour elle. […] Il en est des talens embrassés par toute une nation, comme d’un esprit occupé de tous les objets à la fois ; de même que dans la vaste sphere des connoissances humaines, l’esprit achete un amas de notions ébauchées & mal-digérées au prix de l’art de penser & de bien savoir ; de même, une Nation entiere qui voudroit raisonner & parler de tout, qui auroit effleuré toutes les Sciences, n’en auroit que des idées vagues & confuses, & auroit souvent perdu jusqu’au sens commun.

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