La Comédie a donc dû faire naître la Tragédie. […] Les Siciliens soutiennent, il est vrai, que la Comédie naquit à Siracuse, & qu’un certain Epicharmus en fut le père, & sçut la polir. […] Cet heureux changement fit naître en France la bonne Comédie. […] Les applaudissemens prodigués aux ouvrages de Rotrou, aux essais du grand Corneille, firent naître à Molière l’idée de parcourir une nouvelle carrière. […] Il est trop précieux à la Nation, pour que l’on ne soit pas charmé de savoir ce qui le fit naître en France.
On y voit un homme né sous une étoile malheureuse, poursuivi constamment par son destin, & conduit au plus grand des malheurs par des succès apparens. […] Le premier Acte expose le sujet ; le second fait naître l’inquiétude ; dans le troisième, l’inquiétude augmente ; le quatrième est terrible : « Me voila prêt à dire ce qu’il y a de plus affreux… Et moi, à l’entendre » : le cinquième est tout rempli de larmes. […] La Tragédie est née chez les Grecs, comme tous les Arts. […] Cet homme était né pour créer la Poésie Théâtrale, si elle ne l’eût pas été avant lui. […] Corneille avait cependant connu ce genre, & sembla ne vouloir pas y donner son attache : mais Racine, né avec la délicatesse des passions, un goût exquis, nourri de la lecture des beaux modèles de la Grèce, accommoda la Tragédie, aux mœurs de son siècle & de son Pays.
C’est une peinture si naturelle & si délicate des passions, qu’elle les anime, & les fait naître dans nôtre cœur, & sur tout celle de l’Amour, principalement lors qu’on se represente qu’il est chaste & fort honneste : car plus il paroît innocent aux ames innocentes, & plus elles sont capables d’en estre touchées. […] Ainsi on sort de la Comedie le cœur si rempli de toutes les douceurs de l’amour, & l’esprit si persuadé de son innocence, qu’on est tout préparé à recevoir ses premieres impressions, ou plûtost à chercher l’occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu’un, pour recevoir les mesmes plaisirs & les mesmes sacrifices que l’on a veûs si bien representez sur le theatre.
Je suis bien éloigné de pallier la vérité, au sujet des dangers de la profession de comédien, sous le rapport des mœurs ; mais je dirai que, d’un côté, le souverain, par ses ordonnances, et en confiant à ses agents, la surveillance des théâtres, a suffisamment pourvu aux mesures nécessaires, pour prévenir les abus qui pourraient naître de l’exercice de l’art théâtral. […] Boursault (Edme), né en 1638, mort en 1701, homme de lettres distingué, protégé par Louis XIV, et qui fut honoré de l’amitié de Thomas Corneille, disait : « Dans ce siècle corrompu, la comédie est un divertissement, et un spectacle qui peut s’allier avec la dévotion ». Le célèbre abbé Nicole (Pierre), né en 1625, mort en 1675, auteur des Essais de morale, qui jouissent d’une haute réputation, rapporte que « Saint-Augustin (évêque d’Hippone, en Afrique, en 395), s’accusait de s’être laissé attendrir à la comédie.