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34. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

Nous trouvons même un plaisir secret à en gémir ; & nous sommes quelquefois les premiers à les déplorer ; notre amour propre se flatte qu’il commence par-là à s’en guérir, & comme il n’y a personne qui ne se repente dans certains moments de la servitude des passions, le Poëte possede l’art d’amener, si j’ose le dire, ces moments de repentir, de nous faire sentir la pesanteur de nos chaînes, la douceur de la liberté, & de nous plaire ainsi par sa morale dans le temps même que sa morale nous condamne. […] Oubliez pour un moment, que les Acteurs ne sont pas ceux qu’ils représentent, l’imitation deviendra la nature même, vous sentirez la même émotion que si vous entendiez parler ceux qui ont eu part à l’action représentée, & les expressions qui paroissent sortir de leurs bouches mêmes, ne portent que trop réellement dans le cœur des Spectateurs leurs différentes passions. […] Juger de l’exacte observation des regles de l’Art, c’est le plaisir du Philosophe & du Connoisseur ; mais ce n’est pas celui du plus grand nombre des hommes : le Philosophe & le Connoisseur même, s’ils ont l’ame sensible, ne le goûtent que par réflexion, & leur plaisir direct est le même que celui du Peuple, je veux dire, le plaisir qui naît des mouvements excités dans leur ame par une action qu’ils veulent bien regarder pour un moment comme une action véritable. […] Mais je voudrois aussi que remontant de cause en cause jusqu’à la premiere, il nous expliquât les raisons de ce plaisir que nous prenons à juger ; & dans ce moment, il ne s’en présente que trois à mon esprit. […] Si ce plaisir n’est pas toujours le plus sensible, il est au moins le plus pur & le plus digne d’une créature raisonnable ; c’est ce qui fait que l’évidence des vérités les plus séches & les plus abstraites est d’une si grande douceur pour ceux qui s’attachent à les découvrir : ils sentent un repos, un calme intérieur, une espece de bonheur actuel qui pénétre le fond de leur ame, & qui éteint en eux tout autre désir, au moins pendant ce moment de jouissance de la Vérité.

35. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  AVERTISSEMENT DE. L’ÉDITEUR. » pp. -

C’est sur-tout dans ce moment que ce petit Ouvrage peut être utile, pour fixer les idées de la plûpart de nos Littérateurs.

36. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

 » L'Auteur semble rougir un moment de cette monstrueuse prodigalité : « Ce genre d'ornement, dit-il, n'avait jamais été mieux placé que dans cette occasion où un pouvoir surnaturel admet la probabilité idéale d'un éclat si précieux, par sa rareté dans la nature physique. […] Je sais que dans le moment d'une bouffonnerie on rit quelquefois aux éclats. […] Jamais le cœur n'est plus abattu que dans le moment qui suit les plus vifs transports de l'amour : emporté, brusque, de mauvaise humeur, personne n'est moins gai qu'un homme qui revient de la comédie ; il est aigre, mordant, caustique, mais l'aigreur et la causticité sont très sérieuses et très affligeantes. […] Je veux qu'il y ait un moment de plaisir à verser des pleurs, comme il y en a à voir l'horreur des précipices, l'obscurité d'une fosse, une bataille, etc. tout cela n'est pas de la joie, et ne rend pas heureux.

37. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VI. Des Actes ou des divisions nécessaires au Poème dramatique. » pp. 90-106

Enfin l’entre-Acte est un moment de repos qu’on accorde, non aux Personnages du Drame, puisqu’ils doivent toujours agir tant que l’action dure ; mais aux Spectateurs, dans la crainte que leur attention ne se fatiguât, si elle était toujours tendue. […] Une Nation peut aimer de jolis riens ; mais elle veut que ces riens ne durent qu’un moment : lorsqu’on l’oblige à considérer long-tems des choses frivoles, elle en vient enfin à les trouver maussades.

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