Voilà la tache, la peste, et la subversion de probité, et honnêteté, que craignait Scipion, quand il défendit de bâtir des Théâtres, voyant que facilement vous pouviez être corrompus et subvertis par la prospérité, et ne voulant pas, que fussiez hors de crainte d’ennemi : Car il n’estimait pas la République heureuse, où les murailles sont debout, et les mœurs renversées : Mais la séduction des malheureux Démons, a eu plus de pouvoir sur vous, que la précaution des hommes prévoyants, etc. […] Les Comédiens des Païens, avaient une fin beaucoup plus spécieusecj, utile, et nécessaire, en apparence, pour les Républiques, et pour les familles ; à savoir, la réformation des mœurs, et l’étude de la vertu ; à laquelle un chacun s’adonnait, par la crainte qu’on avait, d’être échafaudéck en public, par les Comédies ; où du commencement, les Poètes avaient toute licence, de brocarder celui, qui avait commis quelque chose de déshonnête ; et toutefois l’abus y croissant, on n’y put remédier autrement, qu’en abolissant la chose même ; comme firent lors les Grecs pour le regard de la Comédie, qu’on appelle Ancienne : d’autant, comme dit Cicéronlib. 4. de Rep. apud August. […] Caesar Scal. et alii da ; et les Païens mêmes, prévoyant la corruption, et la peste publique, qu’amèneraient enfin ces jeux, n’en voulurent point, lorsque la vertu, et l’intégrité des mœurs, avaient encore quelque vigueur entre eux. […] Nous savons, grâces à Dieu, et ne sentons que trop, ce que demande l’état de la vie humaine en ce monde : Nous ne faisons la guerre, ni à la nature, ni à la société ; nous accordons tout ce qu’on peut alléguer, pour la nécessité des recréations ; mais nous disons, qu’elles doivent être séantes aux Chrétiens, non contraires à Jésus-Christ, ni à son Evangile ; que l’on doit en user selon la raison, non selon notre passion ; que l’on doit viser à ce qui est agréable à Dieu, et convenable à notre profession ; Qu’il faut éprouver et discerner toutes choses, et retenir ce qui est bon : Qu’il faut combattre, et repousser les mauvaises coutumes, et les scandaleux exemples, comme les plus pernicieux ennemis de l’intégrité de nos mœurs : Que si entre les Païens tels exercices de farceries et bateleries, étaient indignes d’un personnage de qualité, voir suffisaient à déshonorer ceux qui s’en mêlaient, il préjudicient bien plus à la gravité et sainteté requises en un Chrétien. […] En premier lieu, nous pourrions alléguer les plus sages d’entre les Païens, et apprendre d’un Sénèque, qu’il n’y a rien plus contraire à l’honnêteté des mœurs, que s’amuser à voir des spectacles, « d’autant , dit-il,que les vices se glissent plus aisément ès esprits par le plaisir qu’on y prend ; et que l’on ne revient jamais avec les mêmes mœurs de la foule d’un théâtre, que l’on y est allé, etc.
Rien n’est plus funeste à l’intégrité des mœurs que les jeux du théâtre : là, le vice s’insinue avec le plaisir dans l’âme, parmi la fascination des yeux et l’enchantement des oreilles41.
Enfin contre les mœurs & la décence. […] Je sçai que le mélange de la Réligion avec l’indécence, est une profanation qui forme un second crime ; que cette profanation est contraire aux régles de l’art & au Costume, c’est-à-dire, à l’usage & aux mœurs de la personne représentée ; mais outre cette multiplication de crime, la seule immodestie forme le même danger, & le même péché. […] Qu’on en juge par les mœurs des acteurs, par leurs desseins, par le fond du Drame ; on ne veut que des tableaux du libertinage, toute la décoration, toute l’action n’est que le développement de leur cœur, l’abrégé de leur vie, leur imagination étalée, leurs passions sont les yeux.
Il monta la nation sur ce ton-là, ce qui, contre son intention, a fait aux bonnes mœurs une plaie mortelle. […] Il se contente de dire, « c’est une contradiction dans nos mœurs, d’un côté, de laisser l’infamie attachée au spectacle, et de l’autre, de regarder les représentations comme des exercices dignes d’un Roi ». […] Ils n’ont réussi qu’à les purger des grossières indécences, aussi contraires au respect qui leur est dû, qu’à la religion et aux bonnes mœurs.