L’incrédulité a mêlé son poison à tant d’autres qui les infectoient déja : on n’y néglige aucune occasion d’ébranler les fondemens de la foi, de lancer sur la Religion, sur ses Ministres, sur ses Mystères, les traits les plus malins ; & ce sont ces traits impies qui attirent les applaudissemens des spectateurs ; ce sont ceux qu’on retient avec plus de facilité, qu’on répète avec plus de complaisance. […] Les héros qu’on y introduit donnent, il est vrai, de grands exemples de générosité, de modération, de magnanimité : mais ces vertus ne semblent amenées que pour autoriser les foiblesses criminelles qu’ils y mêlent ; mais ces vertus n’étant fondées que sur l’orgueil, ne sont aux yeux d’un Chrétien que des vices déguisés ; mais ces vertus enfin ne sont pas celles qui peuvent nous rendre agréables à Dieu ; elles ne nous empêcheroient pas d’être pendant toute l’éternité les malheureuses victimes de sa justice. […] Que les Grands de la terre répandent leur faveur sur ceux qui les représentent, qu’ils les admettent à leur familiarité, qu’ils leur donnent auprès d’eux un accès qu’ils refusent souvent à la probité & à la vertu ; qu’une nation voisine porte l’enthousiasme jusqu’à mêler les cendres d’un Comédien avec celles de ses Rois ; que des Auteurs insensés osent nous proposer de suivre un tel modèle : ce fanatisme prouve-t-il autre chose que l’excès de dépravation, auquel les Chrétiens de nos jours sont parvenus, & qu’ils augmentent encore en se livrant à ce penchant violent qui les entraîne vers des plaisirs si frivoles & si dangereux ?
C’est un tissu d’images fort sales, sur lesquelles, à la faveur d’une gaze légere, on tient l’imagination toujours attachée, mêlé de guerres philosophiques, très-ridicules, entre des Professeurs de Dialectique, qui se battent, comme les anciens Preux dans les tournois. […] C’est lui même, non dans le cours de ses égaremens, mais depuis qu’il est converti, Prêtre, Réligieux, Abbé, fondateur d’Abbaye, après avoir, par sa mauvaise doctrine & sa causticité, mérité d’être chassé de l’Abbaye de Saint Denis, condamné par un Concile, excommunié par le Pape, qu’il s’avise d’écrire ses avantures, non pour les déplorer, comme Saint Augustin a écrit ses confessions, mais pour entretenir sa passion ; car on n’en fait rien que de lui, & de la savante Climene, qui se le rappelloient mutuellement dans leurs lettres, dans le style qu’on appelle tendre, noble, pathétique, parce qu’il est très-licentieux & très-passionné, le tout mêlé de dévotion ; déreglements des Réligieuses, de passages de l’Ecriture, aussi bien que des poëtes, & sur-tout d’éloges infinis deux-mêmes. […] Dans la petite ville de Figeac, où se trouve une riche Abbaye, un Chapitre fort pauvre, & un petit Sénéchal ; on s’est avisé de dresser un théatre de société, dont cinq ou six Dames, autant de Chanoines & autant de Magistrats, qui font à peu près toute la Ville, ont fait les honneurs, & joué quelque rôle ; entr’autres le Procureur du Roi, premier acteur, a donné ses conclusions sur la scéne, en habit d’arlequin ; on auroit bien souhaité jouer quelque piéce de Sophocle ou d’Aristophane, ce théatre se seroit rendu célebre par un air d’érudition, & on auroit fait honneur aux Lascaris pour qui on y a beaucoup de vénération, ce fameux savant, qui, lors de la prise de Constantinoble par Mahomet, apporta en Occident, parmi bien d’autres, les manuscrits Grecs de ces poëtes ; cette fête a duré trois ouquatre mois, à la grande satisfaction des graces qui y ont étalé le chef-d’œuvre de la toilette ; mais hélas, il s’y est mêlé du tragique, dont le funeste dénoument a dispersé les acteurs, & interrompu le spectacle !
Parmi vingt malheureux emprisonnés, il fut trouvé un prêtre florentin, qui se mêle de faire des operas, comme l’Abbé Pelegrin faisoit à Paris (ce qui n’est pas trop le métier d’un prêtre) & un musicien son disciple, qui l’aidoit à faire des parties & à composer les arriettes. […] Elle ne mêla le sacré au profâne que dans les comédies qu’elle fit jouer, où elle fit une grande faute. […] La ville de Paris, non plus que les autres du royaume, ne s’étoit jamais mêlée de l’entretien des spectacles.
De l’aveu de tout le monde, le théatre dès son origine & pendant plus de mille ans, jusqu’à l’Empereur Constantin, a été très-dangereux & très-mauvais, non seulement à cause de l’idolâtrie qui s’y trouvoit souvent mêlée, & dont les Payens ne pouvoient lui faire un crime, mais sur-tout par rapport aux bonnes mœurs, qui y étoient constamment blessées, ce qui l’a toûjours fait condamner par tous les gens de bien, même payens. […] Mais, continue-t-on, nous pouvons monter jusqu’au trône ; toutes les Cours ont leur théatre, même dans leurs maisons de campagne, qu’elles entretiennent à grands frais, des troupes de Comédiens qu’elles pensionnent, dont elles honorent les jeux de leur présence, & auxquels elles daignent quelquefois se mêler. […] Enfin après un mois de négociation dont se mêlèrent toutes les têtes couronnées (de mirthe), cette importante affaire a été terminée.