Elles n’avaient néanmoins fait que ce que font aujourd’hui nos Comédiennes, et peut-être même n’en faisaient-elles pas métier comme elles. […] Que notre Docteur s’en rapporte plutôt au sentiment d’un Homme, qui n’est ni scrupuleux ni libertin, et qui fait métier de dire des vérités d’une manière assez sèche et sans beaucoup flatter les gens. […] Il y a encore une grande impertinence qui s’ensuit de cette doctrine : c’est que la sanctification du Dimanche qui ne peut compatirq avec l’exercice des métiers les plus utiles à la vie, se trouvera en partie dans l’exercice du métier des Comédiens, tout infâme qu’il est. […] Et s’il y en avait quelqu’une, pourquoi serait-elle plutôt en faveur des Comédiens que des Artisans, dont les métiers sont utiles et n’ont rien que d’honnête ? […] N’est-ce pas proprement comme s’il disait, que ceux qui jouent la Comédie sont d’honnêtes infâmes ; puisque l’infamie est attachée au métier de Comédiens, ainsi que je l’ai fait voir ?
Bassesse légale du métier de Comédien, 75 Chap.
Or je demande, quel est le Comédien qui observe cette loi, qui puisse même l’observer dans son métier ? […] Mais sans vouloir diminuer le prix d’une action de religion qu’au contraire je loue, je souhaiterais qu’aussi fidèles à la piété le reste de l’année, ils ne profanassent et ne fissent profaner aucun jour de fête par des divertissements si opposés à leur sanctification, et même qu’ils renonçassent à un métier si pernicieux. […] Enfin cette servilité n’est pas douteuse pour les Acteurs, car quoique la déclamation ne soit pas par elle-même une œuvre servile, elle est devenue pour eux un métier très servile, et servilement exercé. […] C’est si bien un métier et des plus serviles, qu’on n’y a jamais employé que des esclaves, tandis que l’esclavage a été souffert, et depuis qu’on l’a aboli, on n’y a jamais vu que des gens de la lie du peuple, ou si quelquefois le libertinage a fait entrer un honnête homme dans quelque troupe, il n’a fait que se dégrader en y entrant ; et je demande aux plus grands amateurs s’ils voudraient se déshonorer jusqu’à se faire Comédiens, ou souffrir que leurs femmes, leurs enfants, leurs parents s’en fissent ? […] Il aurait horreur de son infâme métier, s’il les faisait.
Distinguons avec eux l’idolâtrie, qui déshonoroit les théatres Payens, des autres désordres inséparables de ces jeux pernicieux, donnés par des ames basses, corrompues & mercenaires, qui font métier de la licence, & fréquentés par des libertins & des impies qui y apportent, y pratiquent, y enseignent le vice, & convenons avec tous les Pères qu’il doit être proscrit sans réserve. […] Les loix se déclarèrent le plus fortement, l’édit du Préteur attacha l’infamie au métier de Comédien. […] Il est vrai que les Grecs n’avoient point de loix qui attachassent l’infamie légale au métier de Comédien. […] Mais le mépris public pour ce métier infame & corrompu fut toûjours chez tous les peuples. […] L’art de faire des poëmes dramatiques, l’art de les déclamer, n’est point infame ; mais ceux qui font métier de l’exercer, le furent toûjours par leur libertinage scandaleux & notoire.