Indépendamment de la religion & de la pudeur naturelle qui en firent toujours un devoir, la honte d’une telle situation feroit rougir l’humanité, trahiroit la pruderie, alarmeroit la vertu, dégraderoit la dignité, deconcerteroit l’orgueil, les besoins, les infirmités, le travail, la propreté, l’intempérie des saisons, l’aiguillon des insectes, &c. en feroient une nécessité, & la vanité se feroit un intérêt d’en relever l’éclat, & d’en cacher les difformités par la parure ; & que deviendroient alors les minces titres de ceux dont quelques aunes d’étoffe font la grandeur & le mérite ? […] Sans s’embarrasser des témoins en grand nombre, & de toute espèce qui les y assiegent, qu’elles y invitent, elles s’habillent & déshabillent, se parent, se font servir sans précaution, l’affectent, s’en font un jeu, un mérite ; moins retenues que la Diane de la fable, qui cherchoit des bois écartés, ne souffroit avec elle que ses compagnes, chassa honteusement une d’elles qui s’étoit oubliée, & punit cruellement le malheureux Actéon, sous les yeux de qui le hasard l’avoit faite tomber. […] On pourroit impunément les heures entieres avoir l’esprit & le cœur attaché à des intrigues amoureuses, toujours souillé par des images, ému par les sentimens les plus vifs, l’imagination toujours remplie de beauté, de plaisir, d’obstacles, de succès, l’oreille frappée de discours galans, & de sons tendres & harmonieux, toute l’ame occupée de situations attendrissantes & délicieuses, & au milieu de tous ces pieges, les objets les plus immodestes continuellement sous les yeux, sans être séduit par l’erreur, & entraîné par la passion, sans apprendre à cette école à mépriser, à braver la pudeur qui retient, la loi qui défend, le remords qui trouble, le péché qui effraie, en entendant cent fois dire & redire, chanter avec grace, débiter avec assurance, déclamer avec feu, exécuter avec goût cette morale anti-chrétienne, si conforme à la nature, canonisée dans le monde, si agréable à un cœur corrompu, qui fait du crime un mérite, de la résistance un ridicule, de la volupté un besoin, de la passion une nécessité ! […] Qu’on vienne nous parler de l’amour Platonique, si différent du penchant naturel & physique des deux sexes l’un pour l’autre, de cet amour moral, le seul que Madame la Marquise de Lambert s’imagine avoir ressenti, & dont elle fait un portrait si ingénieux, si subtil & si sublime, qu’il échappe à nos regards (Métaphis. de l’amour), de ce goût épuré de la matiere, borné à l’estime, au devoir, à l’admiration, qui n’a pour objet que le mérite, le caractère, la beauté, l’esprit, la vertu. […] On mérite d’être abandonné de Dieu, & en effet il abandonne.
Voici une leçon dictée par la chasteté & la fidélité : Instruisez-vous des soins, des égards que mérite la femme que l’on prend, & celle que l’on quitte. […] Leur grand mérite est d’imaginer des divertissemens, des spectacles comiques, où elles excellent. […] Nous avons parlé de l’oisiveté, comme d’un des plus grands dangers du théatre pour les bonnes mœurs ; il est un autre point de vue qui mérite beaucoup d’attention. […] En France, où on ne se contente pas de prendre & de dire les choses comme elles sont, mais où l’on canonise ses goûts pour s’en faire un mérite, on a imaginé un systême d’amour, qui, dit on, n’est point un libertinage, qu’on érige presque en vertu, & dont on veut que la scène ne puisse se passer. […] Ce talent, s’il peut être appelé talent, est un bien mince mérite ; mais il plaît, que faut-il de plus ?
Divine main, perle d’élite, Belle dont le rare mérite Sert aux cœurs de douce prison ; Si l’œil qui te voit ne s’engage, C’est l’âme qui faut de courage, Ou l’Esprit manque de raison.
Et la raison qu’il en rend, c’est qu’il n’y a rien sur la terre ni dans les choses humaines, dont la perte mérite d’être déplorée avec tant de larmes.