Après les premiers désordres d’une licence rustique, qui sur les tombereaux de Thespis furent dans la Grèce le germe du théâtre, le spectacle ayant pris une forme régulière, fut assez châtié du côté des mœurs, et n’alarma les Magistrats que par la licence de la satire. […] Tout empire : le luxe introduisit la licence, le théâtre leur donna des ailes, elles vengèrent l’univers vaincu : « Sævior armis, luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem. » Enfin sous les Néron, les Caligula, les Héliogabale, le désordre étant monté à son comble, le spectacle, qui en fut toujours et un effet et un principe, ne connut plus les lois de la pudeur, jusqu’à ce que les Empereurs Chrétiens éteignirent cet incendie, ou plutôt jetèrent quelque poignée de cendres sur ce brasier, en le renfermant dans certaines bornes de bienséance.
On veut plus d’emportement dans le risible ; et le goût qu’on avait pour Aristophane et pour Plaute montre assez que le goût pour le risible dégénère ordinairement en licence.
Nos Apôtres de l’hôtel de Bourgogne sont admirables, lorsqu’à la faveur de quelques mots raisonnables que dira un Acteur ordinairement subalterne, ils s’imaginent avoir trouvé un passeport à la licence théâtrale. […] est-il douteux que la licence du théâtre n’en grossisse tous les jours l’abominable torrent ? […] Qu’on aille à Venise parler ainsi du gouvernement, à Constantinople de Mahomet, à la Chine, au Japon, des Bonzes, des Pagodes, de l’Empereur : les Athéniens ne purent le souffrir, les Magistrats s’armèrent de leur autorité pour arrêter cette licence, et avec raison. […] Mais du moins n’était-il pas dévot ; la licence de son Dictionnaire en écarte bien loin le soupçon : que ne dit-il pas de la vie et des mœurs de Molière, de Poisson, et de tous les Acteurs et Actrices qui tombent sous sa main ?
ne sont que les successeurs, qui de main en main se sont transmis leur héritage : En effet leurs habits ridicules, leurs in promptu, leurs Lazzis, leur licence, semblent démontrer cette belle origine ; dont des Chrêtiens doivent être peu flattés. […] Les Italiens furent chassés par Louis XIV à cause de leur licence ; valent-ils mieux aujourd’hui ? […] Les noms des acteurs presque tous Italiens ; plus de liberté dans la composition, plus de tabarinage, de farce, reste de son ancienne futilité, & licence, sont les seuls traits qui mettent entr’eux quelque différence. […] C’est à Rome que les spectacles ont été portés à un plus grand excès de somptuosité & de licence. […] Pour les opéras comiques, le théatre de la foire, branche des Italiens, c’est un amas d’obscénités, en France comme en Italie ; les libertins se repaissent de leur licence, le peuple de leur grossiereté, on en chante les jolis airs ; mais les honnêtes gens, les gens d’esprit les méprisent ; il est vrai que comme ils sont en petit nombre, & que la foule porte de l’argent, on se passe de leur suffrage quand la caisse du receveur est bien remplie.