/ 576
68. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

Il faut que Thémis ait le bras bien ferme pour ne pas laisser pencher la balance. […] N’était-ce pas assez d’en laisser construire dans les villes (ce qu’il aurait dû empêcher), fallait-il y consacrer une aile de son palais ? […] Honteux sans doute de laisser à ses héritiers une maison royale, il la restitua au Roi, qui en avait fait les frais. […] Le Roi lui-même le haïssait, et ne le laissait gouverner que par faiblesse et par crainte. Il fallait, pour se maintenir, tourner les esprits sur quelque autre objet ; rien n’y était plus propre que d’endormir dans les plaisirs, dissiper par les spectacles, amuser par les fêtes, gagner par des magnificences, des Courtisans inquiets, qui laissés à eux-mêmes ne cessaient de cabaler contre lui.

69. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre V. De la Musique ancienne & moderne, & des chœurs. De la Musique récitative & à plusieurs parties. » pp. 80-93

Dans la seconde supposition, l’attention est trop dissipée par la longueur du chant ; on a besoin d’un effort de mémoire pour se mettre ou l’acte précédent a laissé. 1°. […] L’esprit de l’auditeur se relâche durant qu’ils jouent, & réfléchit même sur ce qu’il a vu, pour le louer ou pour le blâmer, suivant qu’il lui a plu ou déplu ; & le peu qu’on les laisse jouer, lui en laisse les idées si récentes, que, quand les Acteurs reviennent, il n’a pas besoin de se faire d’effort pour rappeller & renouer son attention. » De quoi nous occupent nos violons ?

70. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE IV. » pp. 68-81

Saint Augustin ne pensoit point autrement du désespoir de Didon après la fuite d’Énée, il ne laisse pas, au Livre de ses Confessions, de se reprocher d’en avoir fait la lecture, parce qu’il étoit plus touché de cet évenement fabuleux, que du récit de la Passion du Fils de Dieu & des Saints Martyrs. Tel est, Mademoiselle, le malheureux effet de la Mythologie, dont le Théâtre embellit les avantures romanesques ; les Auditeurs se laissent attendrir, tandis qu’ils sont froids en écoutant la parole de Dieu ; ont court aux Spectacles, & l’Eglise est réduite à une solitude. […] C’est qu’ils se laissoient emporter à la fougue de leur imagination, c’est qu’un Auteur dramatique sacrifie tout & la raison & la probité & la foi, à la satisfaction d’éclore une prétendue belle pensée.

71. (1710) Instructions sur divers sujets de morale « INSTRUCTION II. Sur les Spectacles. — CHAPITRE III. Qu'une Mère est très coupable de mener sa fille aux Spectacles. Que c'est une erreur de croire que la Comédie soit destinée à corriger les mauvaises mœurs. Que rien au contraire n'est plus propre à les corrompre. » pp. 65-75

Si malgré les remontrances de sa fille une mère ne laissait pas de lui persuader, ou de la contraindre d'y aller, que penseriez-vous d'une telle mère ? […] « Quand les vices paraissent sous leur forme naturelle, on ne s'y laisse pas surprendre, au lieu qu'ils nous trompent quand ils prennent le masque, et l'apparence des vertus. » « Vitia non decipiunt nisi sub specie umbraque virtutum. » Hieron[ymus]. […] Les périls où l'on est exposé sans les avoir pu prévoir, éloignent moins la grâce de Dieu, et nous laissent une légitime confiance de l'obtenir par nos prières ; au lieu que ceux qu'on cherche de gaieté de cœur, portent Dieu à nous abandonner à nous-mêmes.

/ 576