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197. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

C’est par-là que la Tragédie suspend l’impression du vice qui le domine ; elle en interrompt le cours par un mouvement contraire ; il s’anime à la vûe de la gloire qui environne les Héros ; il aime à se laisser enflamer d’une noble émulation ; il s’applaudit en secret de ce sentiment, dont le cœur le plus corrompu est toujours agréablement flatté, & peu s’en faut qu’il ne se croye vertueux, parce qu’il admire la Vertu. […] On les écoute dans la résolution de s’y laisser tromper, & c’est parce qu’on s’y trompe en effet, & qu’on prend la copie pour l’original, que des malheurs seints excitent une compassion presque réelle, & que l’image de la douleur y fait couler des larmes passageres, mais, en un sens véritables. […] L’esprit aime naturellement à agir : mais il préfére ce qui lui coûte moins de travail ; & le succès, en donnant moins de peine, ne laisse pas d’attirer de grands applaudissements à l’Imitateur : on en voit aussi beaucoup plus que de véritables Auteurs ; & ce n’est pas seulement dans la Peinture qu’il est vrai de dire qu’on trouve mille & dix mille copies contre un seul original. […] Comme les objets de cette espece sont bien éloignés d’avoir aucun attrait par eux-mêmes, & que la nature n’y a rien mis du sien pour nous plaire, elle a laissé tout à faire au Peintre dont l’Art est la seule chose que l’on puisse admirer dans ces sortes d’images, parce qu’elles ne nous plaisent que par le seul rapport & par la conformité parfaite de la copie avec l’original. […] Enfin Aristote content de nous dire gravement que c’est le plaisir d’apprendre qui nous rend l’Imitation si agréable, sans remonter plus haut, & nous expliquer en grand Philosophe, quelle est la source de ce plaisir même que nous prenons à nous instruire, a laissé dans la Poëtique comme dans la Physique, non pas dequoi glanner seulement, mais dequoi moissonner après lui.

198. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE V. Des Comédiens. » pp. 156-210

Quelles sont donc celles qui se produiront au Théâtre de l’Opéra, sinon des femmes qui projettent de se dédommager aux dépens de leur honneur du peu de fortune que le spectacle leur laisse espérer ? […] Secondement, la liberté qu’on laisse aux Comédiens de mener à peu près la vie qu’ils veulent. […] Les Seigneurs chargés de la Direction des spectacles dans les différentes Cours de l’Allemagne ayant mon registre dans les mains ne seraient plus exposés à se laisser prévenir par de mauvais sujets qui les obsèdent, les conseillent souvent au préjudice de leurs Confrères : on tire ceux-ci de leur emploi, on les prive de rôles qui leur feraient honneur : on les dégoûte, et l’on regarde comme humeur et mauvaise volonté le chagrin qu’ils laissent paraître à cause de la mortification qu’on leur a donnée. […] Les sots à la longue sont forcés d’imiter les sages, et les Comédiens jouiront un jour de l’estime universelle : quand bien même tous les Philosophes de Genève se réuniraient à déclamer contre eux, le Public sourd à leurs criailleries, les laisserait aboyer à la Lune. […] Leur âme, toute grande qu’elle est, est trop pleine d’idées sublimes pour laisser place à un sentiment aussi petit et aussi ridicule que le préjugé établi contre nous dans la petite imagination des sots.

199. (1694) Réfutation des Sentiments relâchés d'un nouveau théologien touchant la comédie « AVERTISSEMENT »

Cependant comme je vois que ceux qui ont écrit sur cette matière, ne laissent pas pour cela de donner leurs Ouvrages au Public, sans doute parce que les raisonnements de la Lettre subsistent toujours, et qu’on ne doit rien oublier pour les détruire : je me trouve engagé à joindre mon Ouvrage à ceux qui ont déjà paru, croyant qu’on ne peut trop écrire là-dessus, et qu’il est bon pour contenter les goûts différents, qu’on écrive en différentes manières.

200. (1694) Réfutation des Sentiments relâchés d'un nouveau théologien touchant la comédie « Réfutation des sentiments relachés d'un nouveau Théologien touchant la Comédie. » pp. 1-190

Sans cette raison, l’illustre Stoïcien Sénèque qui avait entrepris de régler les actions et les occupations les plus particulières de l’homme, nous aurait sans doute laissé des volumes entiers sur cette matière. […] Aussi pour ne pas outrer les choses, laissons les Comédiens en repos sur la fin qu’ils se proposent ; contentons-nous de leur faire connaître celle qu’ils doivent se proposer pour exercer leur profession, selon la règle de Saint Thomas. […] Vous avez d’abord consulté des personnes de poids et de probité, qui avec l’horreur qu’elles ont pour le péché ne laissent pas d’assister à la Comédie. […] Ces personnes vous auraient sans doute tenu un autre langage sur la Comédie que celles que vous avez consultées, qui avec l’horreur qu’elles ont pour le péché, ne laissent pas d’y assister. […] tout ce que vous pouviez dire, c’est qu’on avait tort dans le monde de la laisser aux Comédiens, puisqu’on l’avait ôtée aux Cabaretiers ; mais ce n’est pas ma faute, et ce n’est pas à moi seul que vous avez affaire.

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