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84. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Vous pouvez croire que la Vieille n’écoute pas cette raillerie, qu’elle croit impie, sans s’emporter horriblement contre celle qui la fait ; mais comme elle voit que toutes ces raisons ne persuadent point ces esprits obstinés, elle recourt aux autorités et aux exemples, et leur apprend les étranges jugements que font les Voisins de leur manière de vivre ; elle appuie particulièrement sur une Voisine, dont elle propose l’exemple à sa Bru, comme un modèle de vertu parfaite et enfin « de la manière qu’il faudrait qu’elle vécût », c’est-à-dire à la Panulphe. […] Pour remettre la Vieille de son émotion, le Frère continue, sans faire semblant d’apercevoir le désordre où son discours l’a mise ; et pour un exemple de bigoterie qu’elle avait apporté, il en donne six ou sept qu’il propose, soutient et prouve l’être de la véritable vertu (nombre qui excède de beaucoup celui des bigots allégués par la Vieille), pour aller au-devant des jugements malicieux ou libertins qui voudraient induire de l’aventure qui fait le sujet de cette pièce qu’il n’y a point ou fort peu de véritables gens de bien, en témoignant par ce dénombrement que le nombre en est grand en soi, voire très grand, si on le compare à celui des fieffés bigots, qui ne réussiraient pas si bien dans le monde s’ils étaient en si grande quantité. […] Il conserve pourtant encore quelque jugement, comme il est impossible à un homme fort sensé de passer tout à fait d’une extrémité à l’autre ; et par un mélange admirable de passion et de défiance, il lui demande, après beaucoup de paroles, des assurances « réelles » et des faveurs pour gages de la vérité de ses paroles. […] Excellente adresse du Poète, qui a appris d’Aristote, qu’il n’est rien de plus sensible, que d’être méprisé par ceux que l’on estime, et qu’ainsi c’était la dernière corde qu’il fallait faire jouer ; jugeant bien que le bonhomme souffrirait plus impatiemment d’être traité de ridicule et de fat par le saint Frère, que de lui voir cajoler sa femme jusqu’au bout ; quoique dans l’apparence première, et au jugement des autres, ce dernier outrage paraisse plus grand. […] Que le sentiment du Ridicule soit le plus froid de tous, il paraît bien, parce que c’est un pur jugement plaisant et enjoué d’une chose proposée : or il n’est rien de plus sérieux que tout ce qui a quelque teinture de passion ; donc il n’y a rien de plus opposé au sentiment passionné d’une joie amoureuse, que le plaisir spirituel que donne le Ridicule.

85. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXX. Profanation du dimanche : étrange explication du précepte de la sanctification des fêtes. » pp. 109-116

Il ne faut pas croire que tout ce qu’on tolère à cause de la dureté des cœurs, devienne permis ; ou que tout ce que la police humaine est obligée d’épargner, passe de même au jugement de Dieu.

86. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre IX. Suite de la Rosiere. » pp. 213-230

Ce mauvais goût gâte les pieces, il fait gémir la vertu ; les prix dramatiques sont l’ouvrage de l’Académie françoise, qui, en couronnant l’éloge de Moliere, a prostitué ses lauriers, un siecle après sa mort, à celui qu’elle avoit méprisé pendant sa vie ; jugement qui porte atteinte aux bonnes mœurs en donnant lieu d’en estimer le corrupteur & tous ceux qui se piquent de l’imiter. […] Enfin après avoir imposé silence, il lui fit ce compliment : Mademoiselle, une main bienfaisante qui se dérobe à la gloire & se refuse à des justes éloges, a préparé, dans le secret, à la vertu, un prix dont jadis on avoit vu avec moins de justice honoré la beauté, (le jugement de Paris, allusion que la Rosiere & ses Compagnes n’entendirent pas.)

87. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « JEAN-JACQUES ROUSSEAU. CITOYEN DE GENÈVE, A Monsieur D’ALEMBERT. » pp. 1-264

C’est le jugement que vous portez de la doctrine de nos Ministres en matière de foi. […] Il suit, en troisième lieu, que, rien n’étant plus indépendant du pouvoir suprême que le jugement du public, le souverain devait se garder, sur toutes choses, de mêler ses décisions arbitraires parmi des arrêts, faits pour représenter ce jugement, et, qui plus est, pour le déterminer. […] En voulant censurer les écrits de nos maîtres, notre étourderie nous y fait relever mille fautes qui sont des beautés pour les hommes de jugement. […] [NDA] Il me paraît plaisant d’imaginer quelquefois les jugements que plusieurs porteront de mes goûts sur mes écrits. […] Même jugement sur les Poètes dont je suis forcé de censurer les Pièces : ceux qui sont morts ne seront pas de mon goût, et je serai piqué contre les vivants.

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