Augustin nomme lugendas lætitias, des joies déplorables, parce qu’elles sont des allumettes du feu d’impudicité, et des tisons du feu dévorant qui tourmentera les impudiques en toute l’étendue des siècles.
Il viendra un jour où vous demanderez du temps pour faire pénitence : mais Dieu vous le refusera, dit l’Ange de l’Apocalypse, la femme et la Fille sage font toutes deux leur divertissement de leur occupation, et la femme et la Fille insensée font leur occupation de leurs divertissements ; il faut donc se faire une joie et un plaisir de s’occuper toujours ; et de faire son devoir. […] il n’y a point de mal, on y apprend à vivre dans le monde ; mais prenez garde qu’il n’y a rien d’innocent dans ces divertissements qui sont souvent des occasions prochaines de péché à ceux qui s’y trouvent, sans avoir mauvaise intention, parce que les comédiens d’aujourd’hui sont semblables à ceux dont parle Sénèque, qui corrompaient de son temps les mœurs, sous le beau prétexte de les reformer, et qui sous couleur de reprendre le vice, l’insinuaient adroitement et avec artifice dans les esprits des spectateurs, et qui voulant corriger les hommes en les divertissant, les perdent en les faisant rire, et meurent par cette fausse joie, comme ceux qui ont mangé de l’herbe Sardoniquec, selon la remarque des Naturalistes. […] Mais, répondrez-vous, il faut donc dire adieu à la joie, et au plaisir ; quand cela serait, il ne faut point tant se récrier ; il n’y aurait rien qui ne fût très conforme au Christianisme, puisque Jésus-Christ allant mourir pour tous les hommes, fit son testament, et comme un bon et sage Père, il laissa au monde la joie et les plaisirs en partage ; mais pour les véritables Chrétiens, il leur a laissé les pleurs et les tristesses. […] Il y a néanmoins d’honnêtes divertissements, qui sont permis, et que l’on peut prendre sans crime ; et il y a, dit l’Apôtre aux Philippiens, une sainte joie, qui est selon Dieu.
C’est un amusement, un signe de joie, quelquefois un remède. […] Les plaisirs de la danse, plus bruyans qu’agréables, plus dignes de pitié que d’envie, font plutôt le supplice que la joie de ceux qui s’y livrent, les fatiguent plus qu’ils ne divertissent ; c’est la joie d’un frénétique qui attriste le Sage, ou l’amusement d’un enfant qui fait rire. […] C’est une action unique, une effusion de joie, pardonnable à un transport de zèle, mais que jamais leur loi n’a autorisée parmi les innombrables cérémonies qui composoient leur liturgie. […] Le temps du Carême, de l’Avent, qui ne respirent que la pénitence, doivent-ils être employés aux excès d’une joie insensée ? […] à la folle joie, à ses courses insensées, à ses transports, à ses péchés sans nombre ?
Quelle joie ! […] Malheureusement ce témoignage serait quelquefois équivoque ; aussi l’administration regarde-t-elle comme un de ses devoirs le soin d’aider et de provoquer ces manifestations de la joie et du contentement populaire. […] Un repas par lequel on célèbre l’union innocente de deux jeunes cœurs, l’union de deux familles, et dans lequel règnent la joie et peut-être aussi un peu plus que de la gaîté, est l’objet de la censure inexorable de ces prêtres rigides, et sans doute de leur dépit. […] Lorsque Dieu a soufflé sur le visage de notre premier père pour lui donner la vie, n’a-t-il pas doué sa face des muscles qui expriment nos besoins, nos sentiments, nos douleurs, nos affections, nos peines, et d’autres par lesquels nous manifestons notre satisfaction, notre joie et nos plaisirs ? […] Les muscles qui prêtent à notre physionomie l’expression de la satisfaction, de la joie, des plaisirs, ne sont-ils pas, au contraire, assez rarement mis en action ?