Le monde est l’Ecole d’un Comédien ; théâtre immense, où toutes les passions, tous les états, tous les caractères sont en jeu. […] Le Jeu retenu demande une grande expression dans les yeux, dans les traits, & nous ne balançons point à bannir du Théâtre celui à qui la nature a refusé tous ces secours à la fois.
Ce fut à l'occasion des jeux séculaires que l'Empereur Sévère fit célébrer dans tout l'Empire la douzième année de son règne. […] Chacun de ces jeux fut dédié à quelque Dieu, à Bacchus, à Jupiter, à Mars, à Neptune, par Romulus et d'autres Rois de Rome. […] De là l'ancienne division de jeux sacrés et funèbres pour les Dieux ou les mânes. […] Des esclaves étaient égorgés sur les tombeaux, et pour s'en faire un jeu, on les exerçait à se battre et à se faire tuer avec art. […] Sans la passion ces jeux seraient insipides ; alors même leur inutilité serait une faute dont un Chrétien est bien éloigné.
Ce ne sont pas jeux défendus de représenter quelque histoire dévote, pourvu qu’on n’y mette pas trop de temps ; qu’on n’en fasse que rarement, comme trois ou quatre fois l’année ; qu’on n’y parle point d’amour, sinon de l’amour divin avec l’âme dévote, et ne s’y passe rien contre la modestie ; qu’on laisse l’habit de dessous, sans jamais se revêtir de ceux des hommes, ni rien qui leur ressemble. […] Mais il y a autant de différence entre les spectacles publics et les divertissements du cloître, que entre un repas honnête avec des personnes choisies, et les débauches du cabaret ; entre une partie de jeux d’adresse avec ses amis, et les jeux de hasard dans un brelan ; entre un menuet dansé en famille dans sa maison, et un bal nocturne, un bal d’opéra, un charivari ; la même différence que entre les personnes qui le composent ; entre des femmes publiques, et des vierges consacrées à Dieu ; des actrices fardées, à demi nues, et des vierges modestement voilées ; un amas de libertins et d’impies, et une compagnie de gens pieux et réglés ; une profession livrée au vice, et un état sacré dévoué à la religion et à la vertu. […] Les jeux de théâtre, il est vrai, n’ont pas passé la capitale. […] Ces pièces mutilées, ces acteurs si bizarrement vêtus, ce mélange de gravité et de bouffonnerie, formaient un spectacle plus grotesque que le théâtre de la foire ; c’étaient de vrais jeux d’enfants, dont le ridicule faisait le mérite, et écartait tout danger et toute idée de passion. […] Les jeux publics étaient alors des exercices de religion : est-il étonnant que les Prêtres et les Prêtresses y assistassent ?
Connoissant que l’Empereur aimoit les jeux & les spectacles, il lui fit par-là sa cour ; il reçut en récompense la souveraineté sur quelque province voisine. […] Il célébra dans la ville de Césarée des jeux solemnels à l’honneur de l’Empereur. […] Il vit tout-à-coup, dit Josephe un hibou, oiseau de mauvaise augure, perché sur une corde tendue en l’air pour le jeu de quelque machine. […] Depuis l’introduction de ces jeux, Hérode fut bien plus méchant & commit les plus grands crimes. […] Ces jeux venoient des payens, & n’avoient que des payens pour acteurs.