; on pouvait encore ajouter : il n’y a point de théâtres, il n’y a point de ces dangereuses représentations : ce peuple innocent et simple trouve un assez agréable divertissement dans sa famille parmi ses enfants : c’est où il se vient délasser à l’exemple de ses Patriarches, après avoir cultivé ses terres ou ramené ses troupeaux, et après les autres soins domestiques qui ont succédé à ces travaux, et il n’a pas besoin de tant de dépenses ni de si grands efforts pour se relâcher.
y Il n’y a donc rien dans ce passage qui favorise les comédiens : au contraire, on peut remarquer que Dieu voulant faire voir à un grand saint que dans les occupations les plus vulgaires il s’élevait des âmes cachées, d’un rare mérite, il ne choisit pas des comédiens dont le nombre était alors si grand dans l’empire, mais un homme qui gagnait sa vie à jouer d’un instrument innocent : qui encore se trouva si humble qu’il se croyait le dernier de tous les pécheurs, à cause, dit-il, que de la vie des voleurs il avait passé « à cet état honteux : fœdum artificium » : comme il l’appelait : non qu’il y eût rien de vicieux, mais parce que la flûte était parmi les anciens, un des instruments les plus méprisés ; à quoi il faut ajouter, qu’il quitta ce vil exercice aussitôt qu’il eut reçu les instructions de Saint Paphnuce ; et c’est à quoi se réduit cette preuve si décisive, qu’on prétend tirer de Saint Thomas à l’avantage de la comédie.
Comment, après cela, aller aux Spectacles, et se croire innocent ? […] Vous nous demandez sans cesse si les Spectacles et les autres plaisirs publics sont innocents pour des Chrétiens ? […] S’il paraît négliger pour un temps, les moyens d’accélérer notre perte, il saura les employer, quand il en trouvera l’occasion favorable. » « Et, quand il serait vrai que la Comédie ne fit aucun effet sur certains esprits, pourraient-ils s’en faire un divertissement innocent, et croire qu’ils ne sont point coupables en y assistant ? […] « Il faut, dit Madame de Sévigné, des personnes innocentes, pour chanter les malheurs de Sion, et des âmes vertueuses, pour en voir avec fruit la représentation. » D’ailleurs, ces pièces saintes, de quelles autres pièces ne sont-elles pas ordinairement suivies ? […] Comme si les vives images d’une tendresse innocente étaient moins douces, moins séduisantes, moins capables d’échauffer un cœur sensible, que celles d’un amour criminel à qui l’horreur du vice sert au moins de contre-poison.
Quand même ces choses ne seraient pas consacrées aux idoles, il ne serait pas néanmoins permis aux fidèles Chrétiens, d’en être les acteurs, ni les spectateurs ; et quelques innocentes qu’elles fussent, ce ne serait toujours qu’un dérèglement de vanité, qui ne convient point à ceux qui font profession de Christianisme. […] Comment donc êtes-vous innocent, puisque vous êtes coupable du crime des autres ?