Ils peuplaient la campagne de Faunes & de Satyres ; ils les firent entrer naturellement dans l’intrigue d’un genre de Pièce qui était la vive image de ce qui se passait loin des villes. […] L’image de la simple Nature ne sçaurait arrêter des esprits aussi vifs, aussi frivoles que les nôtres ; on est contraint de chercher à embellir cette image qui doit être si naïve, afin de la faire paraître plus agréable : mais alors nous nous écrions, que ce n’est point là le tableau des mœurs rustiques des Villageois. […] Vous remarquerez que l’héroïne de la prémière Pièce est grosse à pleine ceinture, ce qui ne fait peut-être pas un bel éffet sur la Scène ; mais ce qui est la sensible image de la Nature.
Je ne parle pas des licences, du libertinage, des indécences, des tableaux présentés & sous-entendus, que l’actricisme de ces Pièces, prises de Contes trop libres, ne couvre que de gaze ; parce que ce n’est pas-là ce qui fait la fortune des Comédies-chantantes : plus un siècle est libre dans ses mœurs, plus il est retenu & chaste dans son expression : les oreilles des débauchés, sous l’expression la plus innocente, croient toujours entendre une lasciveté : ainsi le Monstre qu’élevèrent Sénèque & Burrhus, ne voyant aucune partie de son corps qui ne fût souillée, ne pouvait envisager un autre homme, sans se former une image obscène. […] Annette-&-Lubin avait bien fait soupçonner le pathétique ; mais cette Pièce n’était pas encore décente : elle offrait des images adroitement voîlées, qui ne fesaient qu’iriter l’imagination : On montrait Annette, simple, innocente, vivant avec un garçon, sous le même toît, n’ayant (on ne le disait pas, mais on le laissait sentir) qu’un même lit : De voluptueuses images à chaque scène, émouvaient autant les sens que le cœur. […] Tout homme de sens est indigné en voyant de pareilles fadaises admirées, & les badauds attendris, s’imaginer qu’ils ont vu l’image de la vie champêtre.
Elle est pour le Poète une image détaillée de ce qui se passe de violent dans l’âme des Personnages de sa Pièce. […] Il est certain que toute espèce de chant est peu naturel ; car on peut le regarder comme l’image outrée de la manière dont parlent les hommes lorsqu’ils sont agités de quelque passion : il n’est supportable que dans un Spectacle entièrement consacré au merveilleux. […] Le sens commun, & la manière de parler des hommes, que personne ne peut ignorer, nous attestent qu’on prononce tout de suite les mots, à mesure qu’ils naissent avec la pensée, dont ils sont l’image. […] Je sais que la musique a plutôt besoin d’images que de pensées fines & spirituelles. […] Le chant est une image de la parole ; mais il est plus vif, plus passionné que le discours ordinaire ; or suppose-t-on qu’un homme qui èxprime ses passions, oublie tout-à-coup les principes les plus connus de sa Langue ?
Si tout à coup on y montroit l’image d’un Dieu mourant, percé de clous, déchiré de fouets, couronné d’épines, couvert de sang, Acteurs, spectateurs, devenus tout-à-coup désespérés, hors d’eux-mêmes, prendroient la fuite. […] Satan y triomphe, arrache des pleurs sur des aventures criminelles, attache l’esprit & le cœur à des objets pernicieux, remplit la mémoire d’images impures, poison d’autant plus dangereux qu’il est mieux préparé. […] C’est là où le Démon forge les traits de feu qui enflamment la convoitise, & où la mort entre par tous les sens ; où l’on apprend le crime en le voyant ; où l’image des choses qu’on représente, fait de malheureuses impressions qui ne s’effacent presque jamais ; où une intrigue d’amour, de vengeance, ou de quelque autre passion, représentée avec adresse, est une amorce pour le même vice ; où les plaisirs qu’on goûte en voyant les ressorts que le péché met en œuvre, devient un appât pour le commettre. […] Ce n’est point dans le royaume du ciel qu’on voir l’image du théatre.