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5. (1754) Considerations sur l’art du théâtre. D*** à M. Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Geneve « Considérations sur l’art du Théâtre. » pp. 5-82

En adoptant vos maximes, nous devons être regardés comme des séducteurs du genre humain. […] Prétendre réformer le genre humain sur le sage de l’école de Zenon, ce seroit aller directement contre l’ordre établi. […] Peut-on l’approuver, de ce qu’ayant balancé long-tems entre l’amour de lui-même & l’amour du genre humain, il s’est enfin donné la préférence ? […] C’est travailler pour le genre humain, que de l’assujettir aux regles d’une morale pure, & d’indiquer l’usage de ce sentiment délicieux. […] Je reconnoitrai alors en vous l’ami du genre humain, qui s’occupe de la félicité de ses semblables.

6. (1692) De la tragédie « De la tragédie ancienne et moderne. » pp. 148-162

Les Dieux agissaient presque toujours par des passions humaines : les hommes n’entreprenaient rien sans le conseil des Dieux, et n’exécutaient rien sans leur assistance. […] Si ce que je dis est fondé sur de bonnes et de solides raisons, il faut nous contenter de choses purement naturelles, mais extraordinaires ; et choisir en nos Héros des actions principales, qui soient reçues dans notre créance comme humaines, et qui nous donnent de l’admiration comme rares et élevées au-dessus des autres. En deux mots, il ne nous faut rien que de grand, mais d’humain : dans l’humain, éviter le médiocre ; dans le grand, le fabuleux. […] C’était par ces Dieux, ces Oracles, ces Devins, qu’on voyait régner au Théâtre un esprit de superstition et de terreur, capables d’infecter le genre humain de mille erreurs, et de l’affliger encore de plus de maux. […] Nous la dépouillons de toute sa faiblesse, et nous lui laissons tout ce qu’elle peut avoir de charitable et d’humain.

7. (1574) Second livre. Seconde épître. Cécile Cyprien à Donat [extrait] « letter » pp. 40-41

On y aindresse un jeu de Gladiateurs et escrimeurs, pour donner récréation et du passetemps au peuple, en répandant le sang humain. […] Ils représentent Vénus impudique, Mars adultère, et leur Jupiter, non moins prince de vices, que du royaume, qui brûle d’amour des humains, avec ses foudres : maintenant blanc comme un cygne, maintenant descendant du ciel en forme de pluie d’or : maintenant par le ministère des oiseaux se lançant pour s’amouracher de jeunes enfants et les ravir. […] O si tu étais sur cette haute sentinelleh, et que tu pusses pénétrer les secrets, et ouvrir les serrures fermées des cabinets et chambrettes, et parvenir jusqu’à la conscience, et à la plus secrète et occulte pensée des humains !

8. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

Je réponds encore que ces punitions et ces récompenses s’opèrent toujours par des moyens si peu communs, qu’on n’attend rien de pareil dans le cours naturel des choses humaines. […] victimes de nos applaudissements insensés, n’apprendrons-nous jamais combien mérite de mépris et de haine tout homme qui abuse, pour le malheur du genre humain, des talents que lui donna la nature ! […] Tout est mauvais et pernicieux, tout tire à conséquence pour les spectateurs ; et, le plaisir même du comique étant fondé sur un vice du cœur humain, c’est une suite de ce principe, que, plus la comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs. […] Il dit, à la vérité, qu’il a conçu une haine effroyable contre le genre humain, mais la raison qu’il rend de cette haine en justifie pleinement la cause : ce n’est pas des hommes qu’il est ennemi, mais de la méchanceté des uns, et du support que cette méchanceté trouve dans les autres. S’il n’y avait ni fripons ni flatteurs, il aimerait tout le genre humain.

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