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40. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

Voilà les deux points qu’il faut unir dans la comédie ; c’est-à-dire, dans l’imitation des actions, des sentiments, des discours, et dans la peinture des événements, ou agréables, ou fâcheux de la vie humaine ; c’est au ministère à unir toujours ces deux points, de manière que le spectacle, non seulement ne soit jamais nuisible aux bonnes mœurs, mais au contraire qu’il soit propre à inspirer aux spectateurs des sentiments vertueux, ou du moins opposés au vice. […] Cette pièce réformée porterait le nom du Réformateur jusqu’à ce qu’elle fût elle-même un jour réformée quelques années après sa mort ; il est aisé de voir que les ouvrages excellents ne périraient pas faute de quelques retranchements et de quelques additions nécessaires pour les rendre aussi beaux et plus utiles dans le siècle suivant qu’ils l’étaient dans le siècle précédant ; car il faut toujours faire en sorte que les spectacles se perfectionnent à mesure que la raison humaine se perfectionne, et la meilleure manière d’avancer beaucoup en peu de temps vers la perfection, c’est de se servir de ce qu’il y a de bon dans les ouvrages des morts, en diminuant ou corrigeant ce qu’il y a de défectueux, et en embellissant ce qu’il y a de beau. […] La raison nous dicte donc de travailler à fortifier dans les Citoyens, un des deux principaux motifs des actions des hommes, qui est l’amour de la distinction entre nos pareils ; mais elle nous dicte en même temps les règles pour bien discerner les distinctions petites, vulgaires, incommodes au commerce, d’avec les distinctions précieuses qui procurent toujours la commodité et l’utilité des autres ; ce sont ces distinctions qui sont les seules véritablement dignes de louanges et désirables dans le commerce, il ne faut jamais que le désir de la gloire marche sans la connaissance de la bonne gloire ; or je suis persuadé que le théâtre bien dirigé par le Bureau des spectacles peut beaucoup servir à rendre les spectateurs non seulement très désireux de gloire et de distinction, mais encore très connaisseurs en bonne gloire et en distinction la plus précieuse afin que les hommes estiment de plus en plus l’indulgence ; la patience, l’application au travail, les talents et les qualités les plus utiles à leurs familles, à leurs parents, à leurs voisins, à leurs amis, à leur nation et au reste du genre humain.

41. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VI. Euphemie. » pp. 129-148

Le cœur humain est incapable d’un attachement éternel, infructueux, sans espérance, & loin de son objet. […] Aimable, vertueux, digne d’être adoré, & de tous les humains le plus parfait peut-être. […] Laissons ces humains dégradés par leurs loix. […] L’hymen est une loi suprême, le premier vœu de la nature, le seul qui soit vainqueur de l’humaine imposture. […] Dieu que pour mon supplice De ses crimes la terre a rendu le complice, Ce Dieu que le mensonge & la crédulité Font servir de prétexte à la férocité, Au gré de leur caprice indulgent ou sevère ; Tous ces humains grossiers lui prêtent leurs fureurs, Consacrent de son nom leurs stupides erreurs.

42. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE II. Réflexions sur le titre de l’ouvrage intitulé : Des Comédiens et du Clergé, et sur les charlataneries littéraires, politiques et religieuses. » pp. 52-86

Si on voulait y réfléchir on y apercevrait des dissonances choquantes, qu’on pourrait en quelque sorte comparer à une espèce de hurlement et d’aboiement, d’autant plus remarquables, qu’ils tendraient à faire connaître les différentes nuances de l’hypocrisie et de la corruption du cœur humain. […] Ils veulent qu’on ne gouverne les peuples que par la terreur et la violence, et ils n’aspirent qu’après les exécutions sanguinaires de la sainte inquisition, tandis que ces deux dernières expressions hurlent d’effroi, de servir de mot de ralliement aux bourreaux théocrates, altérés de sang humain. […] Il ignorait donc le cœur humain ? […] On peut en raconter tout à la fois des traits de clémence et de cruauté : en effet le fanatisme de la gloire les rend toujours altérés de la soif de l’or et insatiables de sang humain. […] S’il eut de grandes qualités, il n’aima jamais la liberté et versa inutilement des torrents de sang humain pour assouvir son ambition déréglée.

43. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre III. But que le Spectacle moderne doit se proposer. » pp. 123-132

« LE Théâtre, dit l’Abbé d’Aubignac, étant peu-à-peu & par dégré monté a sa dernière perfection, devint enfin l’image sensible & mouvante de toute la vie humaine. […] Étant des hommes, ils sont sujets aux mêmes travers, aux mêmes vices que le reste du genre humain.

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