J’ai rapporté plus haut, d’après Aristote dans sa Rhétorique, que les premiers Tragiques Grecs tomberent dans cette faute. […] A l’égard de ces variétés de Césure, dont parle l’Abbé Conti, & de ces graces de l’Enjambement qui rendent le Vers libre, rival du Vers Grec & Latin, (ce que M. […] Nous met-il en droit de disputer la supériorité aux Grecs ? Nous permet-il du moins de nous croire leurs égaux, & pouvons nous dire sans nous tromper, comme Crescembeni quand il parle des Tragédies Italiennes, nous marchons de pair avec les Grecs ? Avant que de proposer cette question, examinons si Athalie a toutes les Parties qu’avoit la Tragédie Grecque, & que doit avoir, suivant Aristote, la Tragédie, pour avoir tout ce qui lui convient.
Parmi un si grand nombre de Tragédies modernes, en voulant séparer celles que l’on peut conserver, je me suis apperçu, avec surprise, que presque toutes les Tragédies Grecques peuvent rester au nouveau Théâtre : si l’on ne s’était point écarté de ces dignes modèles, le Théâtre moderne aurait peu besoin de correction, et ne se serait pas attiré tant de critiques. […] La Thébaïde est écrite dans le goût des Tragédies Grecques, où la mort et le carnage dominent ; si on voulait en faire usage pour le Théâtre de la Réforme, il y aurait peu de chose à changer dans la Scène d’amour entre Hémon et Antigone ; je crois même qu’on pourrait se dispenser d’y toucher ; et, telle qu’elle est, je donnerais mon suffrage en sa faveur. […] Les Grecs ne pensaient pas comme nous, en fait de Théâtre ; l’horrible d’une action tragique ne les révoltait point ; et, si la représentation ne leur procurait pas un certain plaisir, l’instruction qu’ils en tiraient les en dédommageait et leur tenait lieu de tout. […] Martelli, Italien : c’est une étude digne d’un homme d’esprit et de goût, que de comparer à l’original Grec les imitations des deux Poètes que je viens de nommer, et d’examiner l’art avec lequel chacun d’eux a tourné, selon son génie, la Tragédie d’Euripide : pour moi j’admire également tous les deux ; car, en suivant des routes très différentes, chacun d’eux a réussi parfaitement, et a trouvé moyen d’ajouter des beautés nouvelles à l’original Grec : cet examen et les remarques qu’il ferait naître fourniraient aisément matière à une dissertation très curieuse, et surtout utile pour les Poètes ; mais je reviens à mon sujet.
Les Allemands, les Anglais, les Italiens, les Grecs, tous empruntèrent cet usage des Français ou du moins les lois et les règles que les Français en avaient prescrites ; et quoique partout7 on n’eût d’abord dessein que d’en faire un jeu ; très souvent le feu de l’action, et la jalousie des combattants changeaient le jeu en un vrai combat, d’où plusieurs sortaient blessés. […] Les Romains avaient pris des Grecs l’usage des bains, et ils apprirent ensuite aux Grecs de ne pas rougir de voir des hommes et des femmes dans les mêmes bains.
Je crois qu’il n’est pas hors de propos de remarquer aussi que tous les Spectacles des Grecs et des Romains subsistent encore, du moins en partie, parmi les Chrétiens. […] Sans être soutenues, comme autrefois, par la somptuosité des Théâtres, elles ont eu le bonheur de revivre, telles que les Grecs et les Latins les avaient imaginées.