Les sentiments, Monsieur, dont vous m’honorez depuis plus de vingt ans, vous ont donné des droits inviolables sur tous les miens ; je vous en dois compte, & je viens vous le rendre sur un genre d’Ouvrages, auquel j’ai cru devoir renoncer pour toujours. […] Encouragé par l’indulgence dont le Public a honoré Sidney & le Méchant, ébloui par les sollicitations les plus puissantes, séduit par mes amis, dupe d’autrui & de moi-même, rappellé en même temps par cette voix intérieure, toujours sévère & toujours juste, je souffrois, & je n’en travaillois pas moins dans le même genre. […] L’unique regret qui me reste, c’est de ne pouvoir point assez effacer le scandale que j’ai pu donner à la Religion par ce genre d’Ouvrages, & de n’être point à portée de réparer le mal que j’ai pu causer, sans le vouloir. […] J’ai cru, pour l’utilité des mœurs, pouvoir sauver de cette proscription les principes & les images d’une pièce que je finissois, & je les donnerai sous une autre forme que celle du genre Dramatique : cette Comédie avoit pour objet la peinture & la critique d’un caractère plus à la mode que le Méchant même, & qui, sorti de ses bornes, devient tous les jours de plus en plus un ridicule & un vice national. […] J’ai tout lieu d’espérer que ce sujet, s’il doit être de quelque utilité, y parviendra bien plus sûrement sous cette forme nouvelle, que s’il n’eût paru que sur la Scène, cette prétendue école des Mœurs où l’Amour-propre ne vient reconnoître que les torts d’autrui, & où les vérités morales, le plus lumineusement présentées, n’ont que le stérile mérite d’étonner un instant le désœuvrement & la frivolité, sans arriver jamais à corriger les vices, & sans parvenir à réprimer la manie des faux airs dans tous les genres, & les ridicules de tous les rangs.
La Comédie dans son genre familier n’est pas en ce qui concerne le Spectacle, moins précis ni moins délicate. […] Quel sera donc l’arbitre souverain en ce genre ? […] Car on doit observer qu’il n’en est pas de ce genre de tableau, comme de tous les autres. […] La Promenade en genre d’amusement, ne laisse pas d’avoir son mérite ; mais au fonds elle a bien aussi son inconvénient. […] Dans quelque genre de Spectacle que ce soit, c’est un ton, un style consacré.
Je ne crois pas que les Poètes qui se consacrent à ce genre ayent plus de facilité à composer du frivole qu’à produire des ouvrages sublimes ; mais quand même ils écriraient plus volontiers d’un stile lâche & rampant, il ne faudrait pas les mépriser ; au contraire, ils mériteraient d’avantage notre estime. […] Ses lumières, & l’étude profonde que j’ai faite de notre genre favori, m’ont ouverts les yeux. J’ai senti qu’on devait travailler avec soin les Pièces du nouveau genre, que la précipitation leur nuisait, & qu’on est contraint de se hâter lentement.
Pollux distingue trois sortes de masques de Théâtre, des Comiques, des Tragiques & des Satyriques : il leur donne à tous, dans la description qu’il en fait, la difformité dont leur genre est susceptible, c’est-à-dire, des traits outrés & chargés à plaisir, un air hideux ou ridicule, & une grande bouche béante, toujours prête, pour ainsi dire, à dévorer les Spectateurs. On peut ajouter à ces trois sortes de masques, ceux du genre Orchestrique, ou des Danseurs. […] Le genre Satyrique, fondé sur l’imagination des Poètes, représentait par les masques ; les Satyres, les Faunes, les Cyclopes, & autres monstres de la Fable. En un mot, chaque genre de Poésie Dramatique avait des masques particuliers, à l’aide desquels l’Acteur paraissait aussi conforme qu’il le voulait au caractère qu’il devait soutenir.