Le Poëte François dont j’ai examiné les Ouvrages, ayant eu le bonheur de plaire à sa Nation, en suivant dans ses Tragédies, comme dans sa Comédie, les traces des Poëtes Grecs dont il s’étoit nourri dès sa jeunesse ; son succès doit inspirer à ceux qui ne connoissent point le Théâtre Grec, la curiosité de savoir si c’est chez les Grecs qu’il faut nécessairement chercher les vrais Principes de la Poësie Dramatique, & si ces mêmes Principes ont été également suivis par les autres Nations qui ont aimé & cultivé le même genre de Poësie.
Sans parler des secours du spectacle et de la Musique ; ils sont maîtres des sources d’où naissent les pensées et les mouvements convenables à ce genre d’écrire : ils ont l’invention, l’éloquence, l’expression, avantages merveilleux et propres à faire d’heureuses impressions, s’ils étaient bien employés : car la force d’enlever les esprits, et le pouvoir de remuer les cœurs, ne deviennent des talents dignes d’éloges que par le bon usage L’Anglais dit : Sont comme un canon dont on s’est saisi etc.
En vain se persuade-t-on, d’après une calomnie malheureusement accréditée, que des Confesseurs approuvent ou tolèrent ce genre de plaisir, et voient avec tranquillité leurs pénitents venir des Spectacles au Tribunal de la réconciliation, et passer de la Table sainte aux Spectacles… Point de règle plus fausse que de juger de la morale des Confesseurs par la conduite des pénitents. […] 34 Boileau-Despreaux, dont la conduite et les mœurs manifestèrent toujours son attachement aux principes du Christianisme, se sentait vivement animé contre un genre de poésie où la Religion lui paraissait particulièrement offensée : « Eh quoi ! […] Encouragé par l’indulgence dont le public a honoré Sidnei et le Méchant, ébloui par les sollicitations les plus puissantes, séduit par mes amis, dupe d’autrui et de moi-même, rappelé en même temps par cette voix intérieure, toujours sévère et toujours juste ; je souffrais, et je n’en travaillais pas moins dans le même genre. […] n’apprendrons-nous jamais combien mérite de mépris tout homme qui, pour le malheur du genre humain, abuse du génie et des talents que lui donna la nature ? […] Ce cri part d’un homme, fort connaisseur dans le genre dramatique, grand admirateur de Racine, de Molière, et des autres coryphées de la Scène, d’un homme qui jamais ne passa, parmi les partisants du monde, ou de la prétendue philosophie, pour l’émissaire des Prêtres, ou de ceux que nos incrédules appellent, avec aussi peu d’esprit que de justesse, Enthousiastes, Fanatiques, Etres superstitieux, Ésprits faibles. etc. etc. etc.
La comédie que j’entreprends de combattre aujourd’hui est de ce dernier genre, j’y joins le bal, ce sont des divertissements pernicieux dont il se faut absolument priver, pour cet effet je vous en ferai voir les désordres, et en même temps son opposition aux maximes de notre sainte religion, c’est ce que je traiterai dans mon premier Point, et dans le second je réfuterai les principales objections qu’ont coutume de faire pour la défense du théâtre et du bal, leurs partisans.