Ils avalent à longs traits ses plaisirs, et rien ne leur semble plaisant que ce qui flatte la chair et le sang qui bouillonne encore dans leurs veines.
« De tout ce que nous venons de dire, il faut donc conclure que la Poësie imitative non plus que la Peinture, n’a point pour but de nous faire connoître la vérité ; mais seulement de flatter ce ce qu’il y a en nous de plus foible & de moins conforme à la Raison. […] Car de même qu’un homme qui dans une République appuyeroit le parti des méchans & les rendroit les plus forts, & qui au contraire opprimeroit le parti des gens de bien, perdroit entiérement cette République : ainsi le Poëte Dramatique introduit dans l’Ame un très-pernicieux gouvernement, par le soin qu’il prend de flatter ce qui est en elle d’insensé, ne se connoissant ni à ce qui est grand ni à ce qui est petit, mais jugeant au hazard de toutes choses, & tantôt se faisant de la même chose de grandes idées & tantôt de petites, & n’approchant jamais de la vérité. […] Si nous considérons que cette Partie de notre Ame contre laquelle la Raison veut que nous combattions dans l’adversité, cette Partie dis-je laquelle est affamée de pleurer & de sangloter, & qui est naturellement insatiable de lamentations, c’est cette même Partie que la Poësie flatte & qu’elle cherche à rassasier, & qu’alors cette autre Partie de notre Ame qui est la plus excellente, ne se trouvant pas encore assez fortifiée par l’habitude & par la Raison, devient plus négligente à tenir en bride la Partie pleureuse, supposant que ces malheurs qu’elle voit représenter ne la regardent pas, & s’imaginant qu’il n’y a aucun mal à plaindre & à louer même un autre homme, qui passe d’ailleurs pour un homme de vertu, lequel s’abandonne mal à propos à la douleur. […] Platon débite une très belle maxime, quand il dit que n’y ayant rien sur la terre qui doive nous causer de grandes douleurs, on ne doit point flatter en nous cette foible Partie de nous-mêmes, cette Partie plaintive qui aime à s’épancher en gémissemens. […] Dans cette Piéce les Furies disent de meilleures raisons, que la Déesse de la Sagesse : mais l’objet du Poëte étoit de flatter les Athéniens, en faisant paroître Minerve dans l’Aréopage.
Il est certain que le théâtre doit ménager, flatter même ces passions, s’il veut gagner la faveur du public ; rien n’est plus naturel ni plus juste. […] Mais quel est le vice qu’ils ont ménagé, quelle est la passion qu’ils ont flattée ? […] Voilà donc le personnage que Molière a voulu humilier, pour flatter le goût de son siècle. […] « On flatte les femmes sans les aimer ; elles sont entourées d’agréables, mais elles n’ont plus d’amants. […] Ne nous flattons point d’avoir tant à nous craindre.
Les autres Théâtres le voyant s’enrichir à l’aide des Ariettes, se flattèrent au moins de ramener une partie de leurs Spectateurs, en ajoutant à leurs Drames de superbes décorations.