On peut, dans le Promethée d’Eschyle, considérer la Tragédie naissante & informe, un Spectacle fait pour amuser le Peuple par des Décorations & des Machines, des Personnages apportés dans les airs, & une fille que le Chœur appelle Fille cornue ; c’est Io, moitié Vache, qui se croit piquée par une mouche, qui la poursuit, & qui crie, α, α, ε, ε, εα, εα, ιω, ιω, &c.
Disons enfin que l’on voit et que l’on sent que cette fille est préparée à épouser le meurtrier de son Père, et que l’Amour qui triomphe de la Nature la va rendre coupable du crime que son Amant vient de commettre. Disons encore que si les filles sont assez sincères pour nous découvrir leurs sentiments, elles avoueront que l’amour de Chimène fait bien plus d’impression sur leur esprit que sa piété, qu’elles sont bien plus touchées de la perte qu’elle a faite de son Amant, que de celle qu’elle a faite de son Père, et qu’elles sont bien plus disposées à imiter son injustice qu’à la condamner.
La fille de Josabet qui quelquefois fait partie du Chœur, & quelquefois parle en son nom, en est le Coriphée : ainsi cette Tragédie est dans toutes ses Parties, la Danse seule exceptée, dans la forme de celle des Grecs. […] Dans l’Interméde du quatriéme Acte quand les Levites partent pour le combat, les Filles pour les animer, chantent, Partez, enfans d’Aaron, partez, &c. […] Elle est toute de douleur, & il faut observer qu’elle n’est pas contre la vraisemblance, parce que ces jeunes Filles déplorant leur malheur présent, par des passages des Pseaumes, faits sur la prise de Jerusalem, ne sont pas censées composer sur le champ ce qu’elles chantent, mais s’appliquer des Cantiques, qu’elles savent depuis longtems. […] On égorge à la fois les Enfans, les Vieillards, Et la Sœur, & le Frere, Et la Fille, & la Mere, &c. Cette peinture terrible est suivie de la plainte tendre d’une Fille de dix ans, qui se croyant dans le carnage, éléve ainsi sa voix, Hélas !
Si vous voulez être bien pourvue, vous devez avoir pour mari un homme d’esprit et de jugement, et il n’y a point d’homme doué de jugement qui ne soit plus aise d’épouser une fille sage, modeste, retenue et retirée, qu’une danseuse, qu’une volage ou éventée, semblable à ces fruits tout flétris qui ont traîné par les rues, et qui ont été exposés à cinquante jours de marché. […] Ce casuiste vous peut-il assurer que vous n’aurez aucune affection à l’avarice dans le jeu, point de vanité ni d’envie en ces compagnies mondaines, point de vaine complaisance en vous ou en votre fille au bal ?