Elles ne doivent ni blesser les bienséances attachées à certain age, et à certains états, ni altérer les caractères connus et consacrés par l’Histoire ou par la Fable ; qu’Achille soit emporté, ardent, fier, inflexible ; enfin qu’elles soient égales et ne se démentent point. […] Tout ce qui est ajouté à l’action pour la rendre plus brillante et plus vive, s’appelle Episode : lorsque le sujet est choisi, qui doit être un trait éclatant de la Fable ou de l’Histoire, on tâche d’y ramener toutes les actions connues de ses personnages, et de se servir de toutes les idées qui en peuvent naître. […] Lorsque les obstacles cessent, que les doutes s’éclaircissent, et qu’enfin la destinée des principaux personnages s’est développée, c’est alors que commence le dénouement, qui doit toujours naître du fond de la Fable, et qui ne peut être préparé avec trop d’artifice, ni être trop court ni trop simple. […] La Fable, ou la composition du sujet, est la partie la plus essentielle de la Tragédie : On l’appelle Fable, parce qu’il est libre au Poète d’inventer les sujets tragiques, qu’il veut exposer sur la scène, ou d’en altérer les circonstances, quoique véritables, pour les ajuster au Théâtre. […] Les Auteurs de ces Comédies n’avaient nul goût de la Fiction, de la Fable, de la Versification ; on ne se paraît point pour aller à ces sortes d’Assemblées ; les Dames n’empruntaient point le secours de l’art, ni des ajustements, pour relever l’éclat de leur beauté, et pour paraître avec tous leurs avantages, comme elles font aujourd’hui : Ainsi il ne faut pas s’étonner, que les Directeurs et les Docteurs de ce temps-là aient toléré des spectacles, qui n’étaient nullement capables d’exciter les passions dans ceux qui y assistaient.
Cette sorte d’esprit n’est pas plus nécessaire pour jouer le rôle d’Ariane, qu’il ne l’a été pour composer les Fables de Lafontaine & les Tragédies de Corneille.
Il fuyait les fables impertinentes et puériles dont vous faites vos triomphes, et la piété faisait son exercice continuelle.
Les Poëtes Tragiques n’avoient pas répandu ces opinions : elles étoient beaucoup plus anciennes qu’eux, on les trouve dans Homere ; & il est aisé de reconnoître qu’elles sont une suite de Traditions obscurcies par les Fables. […] Il en faut chercher l’origine dans une Tradition de vérités, obscurcie par les Fables.