Je n’ignore pas que les Danses des Grecs avaient des mouvemens expressifs ; mais les Romains furent les premiers qui rendirent par de seuls gestes le sens d’une Fable régulière d’une certaine étendue. Le Mime ne s’était jamais fait accompagner que d’une flûte ; Pylade y ajouta plusieurs instrumens, même des voix ; & rendit ainsi les Fables régulières.
Si les fictions et les fables Parmi les Chrétiens sont blâmables Et trahissent la Vérité ; Est-il fiction plus criante Que de prêcher la Pauvreté Avec Vingt Mille Ecus de rente ? […] Dans les plus illustres Familles Bien souvent aux Garçons, quelquefois même aux Filles Les conseils des Parents semblent hors de saison ; Et par les leçons du Théâtre Le Fat le plus opiniâtre Est d’abord mis à la raison. » C’est dans cette vue, Monseigneur, que j’ai choisi Esope pour le traduire partout où il y a des abus, et pour lui faire dire, sous les apparences des Fables, la Vérité à tout le monde, sans que personne puisse raisonnablement s’en offenser.
Ce n’était pas pour étudier de meilleures choses ; mais par amour du jeu, et pour entendre des fables, qui augmentant de plus en plus ma curiosité, et me faisant désirer de la satisfaire par mes yeux, me donnaient un goût infini pour les spectacles : « Curiositate magis magisque per oculos emicante in spectacula. » Comme ce sont les grands Seigneurs qui donnent ces jeux au peuple, presque tous les parents souhaitent que leurs enfants parviennent à une fortune qui leur en fasse quelque jour un devoir, tandis qu’ils les font châtier quand ils quittent l’étude pour les spectacles : « Hos cædi libentur patiuntur, si spectaculis impediantur à studio. » L’inconséquence fut toujours le partage des hommes : ils voient le danger, et ils y courent. […] Quoi de plus misérable qu’un malheureux qui n’a pas pitié de ses propres misères, tandis qu’il verse des larmes pour des fables ! […] Mais quelle compassion peut-on avoir pour des fables et des jeux de théâtre ? […] « Nimis superbum fuit famæ parcere principum, ubi suæ famæ parvi numina noluerant. » Mais, dites-vous, ce ne sont que des fables.
A quoi me sert un Oreste furieux, ainsi qu'Euripide le représente, ou un autre qui vient nous entretenir du meurtre qu'Alcméon fît de sa mère, ou bien celui qui porte un masque, ou qui fait des grimaces ayant l'épée au côté, et jetant des cris, ou celui qui s'habille d'une manière indigne d'un homme; laissons les fables d'Agesilaus, et du Poète Ménandre; pourquoi perdrais-je le temps à admirer dans les fables un Joueur de flute, et pourquoi m'arrêterais-je à considérer un Antigenide Thébain, disciple de Philoxene, qui faisait ce métier ? […] Il y a plus de doctrine dans nos Exercices ; Les vers y sont plus beaux, les sentences plus solides, les airs plus agréables, les voix plus charmantes : au lieu des fables, vous y trouverez des vérités, au lieu des fourberies, une sainte simplicité ; Vous y verrez l'impureté bannie par la Chasteté ; la perfidie détruite par la Foi ; la cruauté abattue, par la Miséricorde; l'insolence chassée par la Modestie.