Les premières, et qui furent introduites de bonne heure en ces divertissements furent les Fables Atellanes, ainsi nommées de la Ville d'Atelle dans la Campanie, qui fut toujours la Province des délices et des voluptés d'Italie, et d'où elles furent transportées à Rome ; Elles étaient comme des Satires agréables, sans aigreur et sans turpitude, et que la vertu Romaine avait accompagnées de bienséance et de modestie, et dont les Acteurs étaient en bien plus grande estime que les Scéniques et Histrions, et jouissaient même de quelques privilèges particuliers, entre autres de sortir du Théâtre avec les habits dont ils s'étaient servis dans leurs représentations ; ce qu'à parler franchement je ne saurais bien comprendre, quoique les Auteurs en fassent grand bruit ; car si l'on entend qu'ils sortaient ainsi de la Scène où ils avaient paru, je ne vois pas quel était leur avantage, ne croyant pas que les autres Histrions y reprissent leurs vêtements ordinaires avant que de disparaître aux yeux du peuple ; et si l'on veut dire qu'ils pouvaient même sortir de ce grand lieu que l'on nommait Théâtre, et aller à travers la Ville jusques dans leur logis, avec les ornements qu'ils avaient portés en jouant leurs Fables, je ne connais point quelle était l'excellence de ce privilège ; car c'était les exposer en mascarades publics aux petits enfants et aux grands idiots, qui n'étaient pas plus sages, à mon avis, dans la Ville de Rome, que dans celle de Paris ; et qui sans doute les auraient suivis avec beaucoup de bruit et de tumulte. […] entendre l'excès de quelque turpitude, « qu'un Mime ne la pourrait représenter, qu'un Bouffon n'en pourrait faire un Jeu, et qu'un Atellan ne la pourrait prononcer » : car n'y comprenant point ces deux autres sortes d'Acteurs, il montre bien que les choses honteuses ne se mêlaient point aux grâces de leurs représentations, bien que le plaisir n'en fût point banni.
La règle, ce me semble, est vraie, mais elle a le défaut d’être mal énoncée ; et c’est sans doute par cette raison qu’elle a produit tant de disputes, qu’on se serait épargnées si on avait voulu s’entendre. […] « Voilà, objectez-vous, un remède bien faible et cherché bien loin : l’homme est naturellement bon ; l’amour de la vertu, quoi qu’en disent les Philosophes, est inné dans nousf ; il n’y a personne, excepté les scélérats de profession, qui avant d’entendre une Tragédie ne soit déjà persuadé des vérités dont elle va nous instruire ; et à l’égard des hommes plongés dans le crime, ces vérités sont bien inutiles à leur faire entendre, et leur cœur n’a point d’oreilles ». […] Demandez à nos Prédicateurs les plus fameux combien ils font de conversions par an ; ils vous répondront qu’on en fait une ou deux par siècle, encore faut-il que le siècle soit bon ; sur cette réponse leur défendrez-vous de prêcher, et à nous de les entendre ? […] Il me semble qu’ils doivent produire sur tous les gens de goût le même effet qu’un son aigre et discordant qui se ferait entendre tout à coup au milieu d’une musique touchante. […] Ce qui m’étonne, Monsieur, c’est que des hommes qui se donnent pour zélés défenseurs des vérités de la Religion Catholique, qui voient souvent l’impiété et le scandale où il n’y en a pas même l’apparence, qui se piquent sur ces matières d’entendre finesse et de n’entendre point raison, et qui ont lu cette Profession de Foi de Genève, en aient été aussi satisfaits que vous, jusqu’à se croire même obligés d’en faire l’éloge.
« Celui qui se plaît à n’entendre que des fables se plaira-t-il à entendre la vérité ?
Parmi des paroles de facéties on y glisse quelquefois des paroles sales, non pas expressément et à découvert, mais équivoques, à double entente, et la pointe qui en est l’équivoque fait que l’esprit de ceux qui l’entendent, s’y attache plus longtemps pour en considérer et admirer la subtilité. […] Après s’être gaussé des choses séculières, on se raille des choses les plus saintes, de la confession, de la prédication ou des images, des cérémonies de l’Eglise et des personnes sacrées ; on y mêle les paroles même de la Bible, on profane ce qu’il y a de plus saint et de plus auguste en l’Eglise ; les serviteurs, les servantes et d’autres personnes qui ont l’esprit faible, entendant ainsi parler avec mépris des choses saintes, perdent le respect, la vénération et l’estime qu’ils en avaient ; ils s’accoutument à les considérer comme des choses profanes, indifférentes et de petite conséquence, ils tombent en un état d’insensibilité et d’endurcissement ; ce qui fait qu’ils se confessent, qu’ils communient, qu’ils prient Dieu et qu’ils entendent les sermons par manière d’acquit.